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Horace, Odes III 6 | Payer pour les fautes de ses aînés
lundi 14 octobre 2013, par
Pour les fautes de tes aînés même innocent tu paieras,Romain, tant que tu n’auras pas restauré les temples,les maisons chancelantes des dieux etleurs images dégoûtantes du noir de la fumée.C’est agir par soumission aux dieux qui assure ton empire :de là vient tout principe, à cela rapporte toute fin.Les dieux négligés ont donné des mauxsans nombre à l’Hespérie, des raisons de pleurer.lors d’attaques lancées sous de mauvais auspices ont écraséles nôtres et se rengorgent d’avoir ajouténos dépouilles à leurs minces petits colliers.Occupée à ses propres discordes, ils ont bien failliles uns redoutables par leur flotte, les autressupérieurs grâce aux flèches de leurs archers.Un siècle fertile pour le mal a d’abord souilléses noces, puis ses enfants et ses maisons.De cette source le désastre a dérivé,retombant à flot sur la patrie et sur le peuple.La fillette [2] s’amuse à apprendre les danses ioniques,à peine nubile, à façonner son corps.Dès maintenant à de sales amourselle se prépare, dès l’âge le plus tendre.Bientôt après elle se cherche des amants plus jeunesà la table où boit son mari, et elle ne choisit pascelui à qui elle va donner à la sauvetteun plaisir non permis loin des lumières,mais on la demande, et devant tout le monde, mêmeson mari qui sait, elle se lève, un marchand l’appelle,ou le patron d’un navire espagnol,prêt à mettre le prix fort pour acheter sa honte.Elle n’était pas née de tels parents, la jeunessequi fit prendre à la mer la couleur du sang punique,le Grand et le funeste Hannibal,mais c’était la virile postérité de soldats paysans,qui avait appris avec la houe sabellienneà retourner la glèbe ou rentrersur un ordre de leur austère mèrele bois qu’ils venaient de couper, tandis que le soleildéplaçait l’ombre des montagnes et délivrait du jougles bœufs fatigués, amenant l’heurebénie qui voyait son char disparaître.Pernicieux, que ne dégrade pas le temps ?La génération de nos parents, pire que nos aïeux, nous a fait naîtreplus mauvais encore et nous allons donnerle jour à des enfants qui l’emporteront en perversité.
Lecture avec le texte latin
Pour les fautes de tes aînés même innocent tu paieras,
[3,06,1] Delicta maiorum inmeritus lues,
Romain, tant que tu n’auras pas restauré les temples,
Romane, donec templa refeceris
les maisons chancelantes des dieux et
aedisque labentis deorum et
leurs images dégoûtantes du noir de la fumée.
foeda nigro simulacra fumo.
C’est agir par soumission aux dieux qui assure ton empire :
[3,06,5] Dis te minorem quod geris, imperas :
de là vient tout principe, à cela rapporte toute fin.
hinc omne principium, huc refer exitum.
Les dieux négligés ont donné des maux
Di multa neglecti dederunt
sans nombre à l’Hespérie, des raisons de pleurer.
Hesperiae mala luctuosae.
Deux fois déjà Monésès et les troupes de Pacorus
Iam bis Monaeses et Pacori manus
lors d’attaques lancées sous de mauvais auspices ont écrasé
[3,06,10] non auspicatos contudit impetus
les nôtres et se rengorgent d’avoir ajouté
nostros et adiecisse praedam
nos dépouilles à leurs minces petits colliers.
torquibus exiguis renidet.
Occupée à ses propres discordes, ils ont bien failli
Paene occupatam seditionibus
la détruire, la Ville, Daces et Éthiopiens,
deleuit urbem Dacus et Aethiops,
les uns redoutables par leur flotte, les autres
[3,06,15] hic classe formidatus, ille
supérieurs grâce aux flèches de leurs archers.
missilibus melior sagittis.
Un siècle fertile pour le mal a d’abord souillé
Fecunda culpae saecula nuptias
ses noces, puis ses enfants et ses maisons.
primum inquinauere et genus et domos :
De cette source le désastre a dérivé
hoc fonte deriuata clades
retombant à flot sur la patrie et sur le peuple.
[3,06,20] in patriam populumque fluxit.
La fillette s’amuse à apprendre les danses ioniques,
Motus doceri gaudet Ionicos
à peine nubile, et à façonner son corps.
matura uirgo et fingitur artibus,
Dès maintenant à de sales amours
iam nunc et incestos amores
elle se prépare, dès l’âge le plus tendre.
de tenero meditatur ungui.
Bientôt après elle se cherche des amants plus jeunes
[3,06,25] Mox iuniores quaerit adulteros
à la table où boit son mari, et elle ne choisit pas
inter mariti uina, neque eligit
celui à qui elle va donner à la sauvette
cui donet inpermissa raptim
un plaisir non permis loin des lumières,
gaudia luminibus remotis,
mais on la demande, et devant tout le monde, même
sed iussa coram non sine conscio
son mari qui sait, elle se lève, un marchand l’appelle,
[3,06,30] surgit marito, seu uocat institor
ou le patron d’un navire espagnol,
seu nauis Hispanae magister,
prêt à mettre le prix fort pour acheter sa honte.
dedecorum pretiosus emptor.
Elle n’était pas née de tels parents, la jeunesse
Non his iuuentus orta parentibus
qui fit prendre à la mer la couleur du sang punique,
infecit aequor sanguine Punico
qui brisa Pyrrhus et Antiochus
[3,06,35] Pyrrhumque et ingentem cecidit
le Grand et le funeste Hannibal,
Antiochum Hannibalemque dirum ;
mais c’était la virile postérité de soldats paysans,
sed rusticorum mascula militum
qui avait appris avec la houe sabellienne
proles, Sabellis docta ligonibus
à retourner la glèbe ou rentrer
uersare glaebas et seuerae
sur un ordre de leur austère mère
[3,06,40] matris ad arbitrium recisos
le bois qu’ils venaient de couper, tandis que le soleil
portare fustis, sol ubi montium
déplaçait l’ombre des montagnes et délivrait du joug
mutaret umbras et iuga demeret
les bœufs fatigués, amenant l’heure
bobus fatigatis, amicum
bénie qui voyait son char disparaître.
tempus agens abeunte curru.
Pernicieux, que ne dégrade pas le temps ?
[3,06,45] Damnosa quid non inminuit dies ?
La génération de nos parents, pire que nos aïeux, nous a fait naître
aetas parentum, peior auis, tulit
plus mauvais encore et nous allons donner
nos nequiores, mox daturos
le jour à des enfants qui l’emporteront en perversité
progeniem uitiosiorem.
Voir en ligne : Une lecture de Horace, Ode III 6 | Payer pour les fautes de ses aînés
[1] Allusion à la bataille d’Actium.
[2] Je modifie la traduction (16/10) : virgo d’abord « jeune fille ».