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Horace, Odes III 5 | Régulus
samedi 28 septembre 2013, par
Le tonnerre nous a fait croire que Jupiterrégnait au ciel. Pour un dieu sur terre on tiendraà l’empire et les Perses qui nous tourmentent.Le soldat de Crassus épousant une Barbarea-t-il vécu dans un mariage dégradant, parmi les ennemis,ah perversion de notre curie, de nos mœurs !a-t-il vieilli sous leurs armes avec son beau-père,ayant oublié les boucliers anciles, son nom et la toge,et même Vesta éternelle,sans mal pour Jupiter et la ville de Rome ?Voilà ce que l’esprit clairvoyant de Régulus voulait éviteren s’opposant à des conditions de paixhonteuses et à un précédent qui aurait entraînéla perte des générations futures,si ne périssaient pas, indignes de pitié,les jeunes guerriers capturés : « J’ai vu nos enseignesclouées aux temples puniques avec les armesprises sur nos soldats sans verser leur sang, dit-il,je les ai vues, oui, et j’ai vu des citoyensles bras tordus dans le dos, des hommes nés libres,et les portes de la ville n’étaient pas fermées,et on cultivait les champs que notre Mars avait ravagés.Sans doute que racheté par de l’or un soldatreviendra plus combatif ! À la honte vous ajoutezla dépense. Quand la couleur est partie,la laine passée à la teinture ne peut la retrouver,pas plus que le vrai courage, une fois tombé du cœurn’a cure de revenir aux lâches.Si une biche veut se battre, débarrasséedu filet aux mailles serrées, alors il sera un jour courageux,celui qui s’est livré à des ennemis sans parole,et il écrasera les Puniques avec un autre Marscelui qui a senti le garrot resserré sur ses brassans avoir réagi et qui a eu peur de la mort.En voilà un, sans réaliser à quel prix il achetait la vie,qui a confondu la guerre avec la paix. Ô honte !Ô grande Carthage, plus grande encorepar la ruine infamante de l’Italie ! »On dit que face à sa pudique épouse,à ses petits enfants, comme déchu de ses droits,il repoussa leurs baisers et tournason énergique visage vers le sol avec un air farouche,jusqu’à ce que sa propre résolution ait affermi les pères chancelantsdans une décision que personne n’avait jamais prise avant,et qu’au milieu de ses amis abattus de chagrin,il eût pris le chemin d’un exil héroïque.Il savait bien pourtant ce que lui réservait le bourreaudes Barbares, mais sans autre manièreil écarta les proches qui se mettaient en traverset le peuple qui le retardait sur la voie du retour,comme si, après une longue affaire avec des clients,le litige résolu, il partait en vacancesretrouver les champs de Vénafreou Tarente de Lacédémone.
Lecture avec le texte latin
Le tonnerre nous a fait croire que Jupiter
[3,05,1] Caelo tonantem credidimus Iouem
régnait au ciel. Pour un dieu sur terre on tiendra
regnare : praesens diuus habebitur
Auguste quand il aura ajouté les Bretons
Augustus adiectis Britannis
à l’empire et les Perses qui nous tourmentent.
imperio grauibusque Persis.
Le soldat de Crassus épousant une Barbare
[3,05,5] Milesne Crassi coniuge barbara
a-t-il vécu dans un mariage dégradant, parmi les ennemis,
turpis maritus uixit et hostium,
ah perversion de notre curie, de nos moeurs !
pro curia inuersique mores !
a-t-il vieilli sous leurs armes, avec son beau-père,
consenuit socerorum in armis
en sujet du roi Mède, lui Marse, lui Apulien,
sub rege Medo Marsus et Apulus
ayant oublié les boucliers anciles, son nom et la toge,
[3,05,10] anciliorum et nominis et togae
et même Vesta éternelle,
oblitus aeternaeque Vestae,
sans mal pour Jupiter et la ville de Rome ?
incolumi Ioue et urbe Roma ?
Voilà ce que l’esprit clairvoyant de Régulus voulait éviter
Hoc cauerat mens prouida Reguli
en s’opposant à des conditions de paix
dissentientis condicionibus
honteuses et à un précédent qui aurait entraîné
[3,05,15] foedis et exemplo trahenti
la perte des générations futures.
perniciem ueniens in aeuum,
si ne périssaient pas, indignes de pitié,
si non periret inmiserabilis
les jeunes guerriers capturés : « J’ai vu nos enseignes
captiua pubes : ’Signa ego Punicis
clouées aux temples puniques avec les armes
adfixa delubris et arma
prises sur nos soldats sans verser leur sang, dit-il,
[3,05,20] militibus sine caede’ dixit
je les ai vues, oui, et j’ai vu des citoyens
’derepta uidi ; uidi ego ciuium
les bras tordus dans le dos, des hommes nés libres,
retorta tergo bracchia libero
et les portes de la ville n’étaient pas fermées,
portasque non clausas et arua
et on cultivait les champs que notre Mars avait ravagés.
Marte coli populata nostro.
Sans doute que racheté par de l’or un soldat
[3,05,25] Auro repensus scilicet acrior
reviendra plus combatif ! À la honte vous ajoutez
miles redibit. Flagitio additis
la dépense. Quand la couleur est partie,
damnum. Neque amissos colores
la laine passée à la teinture ne peut la retrouver,
lana refert medicata fuco,
pas plus que le vrai courage, une fois tombé du cœur,
nec uera uirtus, cum semel excidit,
n’a cure de se rétablir chez les lâches.
[3,05,30] curat reponi deterioribus.
Si une biche veut se battre, débarrassée
Si pugnat extricata densis
du filet aux mailles serrées, alors il sera courageux,
cerua plagis, erit ille fortis,
celui qui s’est livré à des ennemis sans parole,
qui perfidis se credidit hostibus,
et il écrasera les Puniques avec un autre Mars
et Marte Poenos proteret altero,
celui qui a senti le garrot resserré sur ses bras
[3,05,35] qui lora restrictis lacertis
sans avoir réagi et qui a eu peur de la mort.
sensit iners timuitque mortem.
En voilà un, sans réaliser à quel prix il achetait la vie,
Hic, unde uitam sumeret inscius,
qui a confondu la guerre avec la paix. Ô honte !
pacem duello miscuit. O pudor !
Ô grande Carthage, plus grande encore
o magna Carthago, probrosis
par la ruine infamante de l’Italie ! »
[3,05,40] altior Italiae ruinis !’
On dit que face à sa pudique épouse,
Fertur pudicae coniugis osculum
à ses petits enfants, comme déchu de ses droits,
paruosque natos ut capitis minor
il repoussa leurs baisers et tourna
ab se remouisse et uirilem
son énergique visage vers le sol avec un air farouche,
toruus humi posuisse uoltum,
jusqu’à ce que sa propre résolution ait affermi les pères chancelants
[3,05,45] donec labantis consilio patres
dans une décision que personne n’avait jamais prise avant,
firmaret auctor nunquam alias dato
et qu’au milieu de ses amis abattus de chagrin,
interque maerentis amicos
il eût pris le chemin d’un exil héroïque.
egregius properaret exul.
Il savait bien pourtant ce que lui réservait le bourreau
Atqui sciebat quae sibi barbarus
des Barbares, mais sans autre manière,
[3,05,50] tortor pararet ; non aliter tamen
il écarta les proches qui se mettait en travers
dimouit obstantis propinquos
et le peuple qui le retardait sur la voie du retour,
et populum reditus morantem
comme si, après une longue affaire avec des clients,
quam si clientum longa negotia
le litige résolu, il partait en vacances
diiudicata lite relinqueret,
retrouver les champs de Vénafre
[3,05,55] tendens Venafranos in agros
ou Tarente de Lacédémone.
aut Lacedaemonium Tarentum.
Messages
1. Horace, Ode III 5 | Régulus, 29 septembre 2013, 15:23, par allearome
C’est très intéressant cette lecture avec le texte latin . @allearome
1. Horace, Ode III 5 | Régulus, 29 septembre 2013, 15:51, par Danielle Carlès
Merci. C’est au début Florence Trocmé (@Poezibao) qui avait suggéré de joindre le texte latin, et c’est devenu pour moi une nécessité. Je crois que ma manière de traduire s’en est progressivement trouvée modifiée, en particulier sur le point de savoir comment adapter en français l’ordre des mots en (poésie) latine sans agresser la syntaxe française, car l’ordre des mots ne possède pas le même rôle, ne se trouve pas au même rang hiérarchique dans les deux langues : essentiellement syntaxique en français (lapin tue chasseur vs chasseur tue lapin), mais expressif, ou disons stylistique, en latin.