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Horace, Odes III 5 | Régulus

samedi 28 septembre 2013, par Danielle Carlès

Le tonnerre nous a fait croire que Jupiter
régnait au ciel. Pour un dieu sur terre on tiendra
Auguste quand il aura ajouté les Bretons
à l’empire et les Perses qui nous tourmentent.
 
Le soldat de Crassus épousant une Barbare
a-t-il vécu dans un mariage dégradant, parmi les ennemis,
ah perversion de notre curie, de nos mœurs !
a-t-il vieilli sous leurs armes avec son beau-père,
 
en sujet du roi Mède, lui Marse, lui Apulien,
ayant oublié les boucliers anciles, son nom et la toge,
et même Vesta éternelle,
sans mal pour Jupiter et la ville de Rome ?
 
Voilà ce que l’esprit clairvoyant de Régulus voulait éviter
en s’opposant à des conditions de paix
honteuses et à un précédent qui aurait entraîné
la perte des générations futures,
 
si ne périssaient pas, indignes de pitié,
les jeunes guerriers capturés : « J’ai vu nos enseignes
clouées aux temples puniques avec les armes
prises sur nos soldats sans verser leur sang, dit-il,
 
je les ai vues, oui, et j’ai vu des citoyens
les bras tordus dans le dos, des hommes nés libres,
et les portes de la ville n’étaient pas fermées,
et on cultivait les champs que notre Mars avait ravagés.
 
Sans doute que racheté par de l’or un soldat
reviendra plus combatif ! À la honte vous ajoutez
la dépense. Quand la couleur est partie,
la laine passée à la teinture ne peut la retrouver,
 
pas plus que le vrai courage, une fois tombé du cœur
n’a cure de revenir aux lâches.
Si une biche veut se battre, débarrassée
du filet aux mailles serrées, alors il sera un jour courageux,
 
celui qui s’est livré à des ennemis sans parole,
et il écrasera les Puniques avec un autre Mars
celui qui a senti le garrot resserré sur ses bras
sans avoir réagi et qui a eu peur de la mort.
 
En voilà un, sans réaliser à quel prix il achetait la vie,
qui a confondu la guerre avec la paix. Ô honte !
Ô grande Carthage, plus grande encore
par la ruine infamante de l’Italie ! »
 
On dit que face à sa pudique épouse,
à ses petits enfants, comme déchu de ses droits,
il repoussa leurs baisers et tourna
son énergique visage vers le sol avec un air farouche,
 
jusqu’à ce que sa propre résolution ait affermi les pères chancelants
dans une décision que personne n’avait jamais prise avant,
et qu’au milieu de ses amis abattus de chagrin,
il eût pris le chemin d’un exil héroïque.
 
Il savait bien pourtant ce que lui réservait le bourreau
des Barbares, mais sans autre manière
il écarta les proches qui se mettaient en travers
et le peuple qui le retardait sur la voie du retour,
 
comme si, après une longue affaire avec des clients,
le litige résolu, il partait en vacances
retrouver les champs de Vénafre

Lecture avec le texte latin

Le tonnerre nous a fait croire que Jupiter

[3,05,1] Caelo tonantem credidimus Iouem

régnait au ciel. Pour un dieu sur terre on tiendra

regnare : praesens diuus habebitur

Auguste quand il aura ajouté les Bretons

Augustus adiectis Britannis

à l’empire et les Perses qui nous tourmentent.

imperio grauibusque Persis.

Le soldat de Crassus épousant une Barbare

[3,05,5] Milesne Crassi coniuge barbara

a-t-il vécu dans un mariage dégradant, parmi les ennemis,

turpis maritus uixit et hostium,

ah perversion de notre curie, de nos moeurs !

pro curia inuersique mores !

a-t-il vieilli sous leurs armes, avec son beau-père,

consenuit socerorum in armis

en sujet du roi Mède, lui Marse, lui Apulien,

sub rege Medo Marsus et Apulus

ayant oublié les boucliers anciles, son nom et la toge,

[3,05,10] anciliorum et nominis et togae

et même Vesta éternelle,

oblitus aeternaeque Vestae,

sans mal pour Jupiter et la ville de Rome ?

incolumi Ioue et urbe Roma ?

Voilà ce que l’esprit clairvoyant de Régulus voulait éviter

Hoc cauerat mens prouida Reguli

en s’opposant à des conditions de paix

dissentientis condicionibus

honteuses et à un précédent qui aurait entraîné

[3,05,15] foedis et exemplo trahenti

la perte des générations futures.

perniciem ueniens in aeuum,

si ne périssaient pas, indignes de pitié,

si non periret inmiserabilis

les jeunes guerriers capturés : « J’ai vu nos enseignes

captiua pubes : ’Signa ego Punicis

clouées aux temples puniques avec les armes

adfixa delubris et arma

prises sur nos soldats sans verser leur sang, dit-il,

[3,05,20] militibus sine caede’ dixit

je les ai vues, oui, et j’ai vu des citoyens

’derepta uidi ; uidi ego ciuium

les bras tordus dans le dos, des hommes nés libres,

retorta tergo bracchia libero

et les portes de la ville n’étaient pas fermées,

portasque non clausas et arua

et on cultivait les champs que notre Mars avait ravagés.

Marte coli populata nostro.

Sans doute que racheté par de l’or un soldat

[3,05,25] Auro repensus scilicet acrior

reviendra plus combatif ! À la honte vous ajoutez

miles redibit. Flagitio additis

la dépense. Quand la couleur est partie,

damnum. Neque amissos colores

la laine passée à la teinture ne peut la retrouver,

lana refert medicata fuco,

pas plus que le vrai courage, une fois tombé du cœur,

nec uera uirtus, cum semel excidit,

n’a cure de se rétablir chez les lâches.

[3,05,30] curat reponi deterioribus.

Si une biche veut se battre, débarrassée

Si pugnat extricata densis

du filet aux mailles serrées, alors il sera courageux,

cerua plagis, erit ille fortis,

celui qui s’est livré à des ennemis sans parole,

qui perfidis se credidit hostibus,

et il écrasera les Puniques avec un autre Mars

et Marte Poenos proteret altero,

celui qui a senti le garrot resserré sur ses bras

[3,05,35] qui lora restrictis lacertis

sans avoir réagi et qui a eu peur de la mort.

sensit iners timuitque mortem.

En voilà un, sans réaliser à quel prix il achetait la vie,

Hic, unde uitam sumeret inscius,

qui a confondu la guerre avec la paix. Ô honte !

pacem duello miscuit. O pudor !

Ô grande Carthage, plus grande encore

o magna Carthago, probrosis

par la ruine infamante de l’Italie ! »

[3,05,40] altior Italiae ruinis !’

On dit que face à sa pudique épouse,

Fertur pudicae coniugis osculum

à ses petits enfants, comme déchu de ses droits,

paruosque natos ut capitis minor

il repoussa leurs baisers et tourna

ab se remouisse et uirilem

son énergique visage vers le sol avec un air farouche,

toruus humi posuisse uoltum,

jusqu’à ce que sa propre résolution ait affermi les pères chancelants

[3,05,45] donec labantis consilio patres

dans une décision que personne n’avait jamais prise avant,

firmaret auctor nunquam alias dato

et qu’au milieu de ses amis abattus de chagrin,

interque maerentis amicos

il eût pris le chemin d’un exil héroïque.

egregius properaret exul.

Il savait bien pourtant ce que lui réservait le bourreau

Atqui sciebat quae sibi barbarus

des Barbares, mais sans autre manière,

[3,05,50] tortor pararet ; non aliter tamen

il écarta les proches qui se mettait en travers

dimouit obstantis propinquos

et le peuple qui le retardait sur la voie du retour,

et populum reditus morantem

comme si, après une longue affaire avec des clients,

quam si clientum longa negotia

le litige résolu, il partait en vacances

diiudicata lite relinqueret,

retrouver les champs de Vénafre

[3,05,55] tendens Venafranos in agros

ou Tarente de Lacédémone.

aut Lacedaemonium Tarentum.

Messages

  • C’est très intéressant cette lecture avec le texte latin . @allearome

    • Merci. C’est au début Florence Trocmé (@Poezibao) qui avait suggéré de joindre le texte latin, et c’est devenu pour moi une nécessité. Je crois que ma manière de traduire s’en est progressivement trouvée modifiée, en particulier sur le point de savoir comment adapter en français l’ordre des mots en (poésie) latine sans agresser la syntaxe française, car l’ordre des mots ne possède pas le même rôle, ne se trouve pas au même rang hiérarchique dans les deux langues : essentiellement syntaxique en français (lapin tue chasseur vs chasseur tue lapin), mais expressif, ou disons stylistique, en latin.

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