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Virgile, Énéide V, 618-640 | Brûlez ces vaisseaux de malheur !
mardi 6 septembre 2022, par
C’est donc au milieu d’elles que celle qui n’ignore pas l’art de nuire
vient se jeter et elle dépose son apparence et ses atours de déesse.
Elle devient Béroé, l’épouse très âgée de Doryclus du Tmaros620
qui jadis avait eu une famille, un nom et des fils,
et sous ses traits aux mères des Dardanides elle se mêle.
"Oh ! malheur à nous, dit-elle, que la main des Achéens pendant la guerre
n’a pas traînées à la mort sous les murs de notre patrie ! Oh ! peuple
infortuné, quelle fin la Fortune te réserve-t-elle ?625
Voici que déjà s’achève le septième été depuis la chute de Troie,
et toutes les mers, toutes les terres, tant de rocs inhospitaliers,
tant d’étoiles nous avons parcouru, traversant l’immensité des eaux
à la poursuite de l’Italie qui nous fuit, roulées par les flots.
Ici, c’est le pays de notre frère Éryx et Aceste est notre hôte.630
Qui nous empêche d’y jeter des murs et de donner aux citoyens une ville ?
Ô patrie ! Ô Pénates, arrachés en vain à l’ennemi !
Plus jamais des remparts ne porteront le nom de Troie ? Plus nulle part
les fleuves d’Hector, un Xanthe, un Simoïs, je ne les verrai pas ?
Non ! Allez ! Avec moi brûlez ces vaisseaux de malheur !635
Car dans mon sommeil le fantôme de Cassandre la prophétesse
m’est apparu. Elle m’a tendu des torches allumées : Ici cherchez Troie !
Ici est votre maison, a-t-elle dit. Voici le moment d’agir !
Pas d’hésitation devant un tel prodige ! Voyez, là, les quatre autels
pour Neptune ! Un dieu lui-même nous fournit des torches et l’énergie."640