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Virgile, Énéide V, 387-423 | Un colosse

dimanche 28 août 2022, par Danielle Carlès

Ici Aceste à Entelle adresse de durs reproches,

car il se trouvait assis près de lui sur un lit verdoyant de gazon :

"Entelle, jadis le plus vaillant des héros sans en tirer profit,

que de patience ! De si beaux cadeaux, les emporter sans même combattre,390

vas-tu le permettre ? Qu’en est-il aujourd’hui de ce dieu qui était le nôtre, ton maître,

disais-tu, Éryx, était-ce en vain ? Qu’en est-il de ta renommée dans toute

la Trinacrie et de ces dépouilles suspendues sous ton toit ?"

Lui à cela : "Ce n’est pas que le désir des honneurs et de la gloire m’a quitté,

chassé par la peur, mais il est vrai que la vieillesse me ralentit, elle glace395

mon sang et l’engourdit, la force est dans mon corps languissante et inerte.

Celle que j’avais autrefois, celle qui conforte cet impudent

et le fait exulter d’orgueil, si je l’avais aujourd’hui, cette jeunesse-là,

c’est sûr, ce n’est pas un prix ou un beau taureau qui m’aurait

décidé ! Est-ce que je me soucie des cadeaux !" Et sur ces mots400

il jeta aux regards de tous une paire de cestes d’un poids monstrueux,

ceux habituels de l’ardent Éryx, avec lesquels dans les combats

il engageait la lutte, le dur cuir dont il bandait ses bras.

Tous restèrent interdits : des lanières démesurées

faites du cuir de sept énormes boeufs se raidissaient de plomb et de fer cousu.405

Plus encore que les autres Darès est stupéfait et de loin fait signe que non.

Le magnanime fils d’Anchise les soupèse,

et il roule et déroule ces courroies qui n’en finissent pas.

Mais le vieillard parlait, les mots sortaient de son coeur :

"Quoi ? Et les cestes, l’armement d’Hercule en personne,410

si vous les aviez vus, et le tragique combat, ici-même, sur ce rivage ?

Cet armement, c’est ton frère Éryx qui jadis le portait,

aujourd’hui encore parsemé de sang, tu peux le voir, et d’éclats de cervelle,

Avec lui il a fait face au grand Alcide, avec lui je me battais moi-même,

quand un meilleur sang alimentait ma force, quand n’était pas encore ma rivale,415

parsemant mes deux tempes de sa blancheur, la vieillesse.

Mais si Darès le Troyen récuse notre armement,

si cela agrée au pieux Énée, si Aceste l’appuie de son autorité,

combattons à armes égales ! Des courroies d’Éryx je te concède l’abandon,

n’aie plus peur ! et toi, défais tes cestes troyens !"420

Ayant ainsi parlé, il rejeta de ses épaules son double vêtement,

mit à nu ses puissantes articulations, ses os puissants et ses muscles,

et vint se planter, colossal, au milieu de l’arène.

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