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Horace, Épodes 14 | Paresse
samedi 13 octobre 2012, par
Pourquoi la paresse indolente a diffusé au plus profondde mes sens un pareil oubli,comme si, le gosier sec, j’avais aspiré des coupesversant le sommeil du Léthé,5 radieux Mécène, tu me tues à le demander sans arrêt.Un dieu, oui, un dieu m’interditd’amener les ïambes commencés, ce poème un jour promis,jusqu’au volume achevé.qui bien souvent sur la lyre creuse pleura son amoursans s’appliquer au travail du vers.Toi-même tu brûles, pauvre ami, mais le feu qui embrasa Ilion assiégéen’était pas plus beau, ainsi15 réjouis-toi de ton sort. Moi, c’est une affranchie, et d’un seul amantinsatisfaite, c’est Phryné qui me consume.
Lecture avec le texte latin
Pourquoi la paresse indolente a diffusé au plus profond
Mollis inertia cur tantam diffuderit imis
de mes sens un pareil oubli,
obliuionem sensibus,
comme si, le gosier sec, j’avais aspiré des coupes
pocula Lethaeos ut si ducentia somnos
versant le sommeil du Léthé,
arente fauce traxerim,
5 radieux Mécène, tu me tues à le demander sans arrêt.
5 candide Maecenas, occidis saepe rogando :
Un dieu, oui, un dieu m’interdit
deus, deus nam me uetat
d’amener les ïambes commencés, ce poème un jour promis,
inceptos, olim promissum carmen, iambos
jusqu’au volume achevé.
ad umbilicum adducere [1].
C’était, dit-on, la même chose, quand pour Bathylle de Samos
non aliter Samio dicunt arsisse Bathyllo
10 s’enflamma Anacréon de Téos,
10 Anacreonta Teium,
qui bien souvent sur la lyre creuse pleura son amour
qui persaepe caua testudine fleuit amorem
sans s’appliquer au travail du vers.
non elaboratum ad pedem.
Toi-même tu brûles, pauvre ami, mais le feu qui embrasa Ilion assiégée
ureris ipse miser : quodsi non pulcrior ignis
n’était pas plus beau, ainsi
accendit obsessam Ilion [2],
15 réjouis-toi de ton sort. Moi, c’est une affranchie, et d’un seul amant
15 gaude sorte tua ; me libertina, nec uno
insatisfaite, c’est Phryné qui me consume.
contenta, Phryne macerat.
Distiques : un hexamètre dactylique suivi d’un quaternaire ïambique.
[1] Le texte latin dit ad umbilicum adducere, littéralement "amener à l’ombilic". L’ombilic désigne ici le bouton placé à l’extrémité du cylindre sur lequel on enroule le manuscrit achevé. Le choix du mot "volume" fait référence à l’étymologie du mot : volumen de volvo "enrouler", d’où le rouleau, d’où le manuscrit. Le terme est resté le même pour désigner un "livre", même si entre temps on est passé à la présentation en codex (un assemblage de feuilles), puis récemment au livre numérique.
[2] Le passage évoque Hélène de Troie. La maîtresse de Mécène portait peut-être le même prénom.