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Horace, Épodes 11 | Brûlures d’amour
mercredi 29 août 2012, par
Pettius, je n’ai plus le même plaisir qu’avantà écrire de petits vers, sous le coup d’un violent amour,l’amour qui, moi entre tous, me recherche, veutque je m’enflamme pour de souples éphèbes, pour des jeunes filles.5 Vois, Décembre, le troisième depuis que j’ai finid’être fou pour Inachia, fait tomber la parure des forêts.Hélas, dans tout Rome – ah, j’ai honte d’un mal si grand -quelle fable j’ai été et quel regret des repasoù ma langueur et mon silence dénonçaient10 mon amour, et un soupir tiré du fond de la poitrine.« Face au désir du gain un homme sincère mais pauvrene vaut rien ? » je me plaignais, je pleurais contre toi,dès que m’échauffait le dieu sans retenue,profitant de la fièvre du vin pour étaler au jour mon secret.15 « Ah mais, si la bile se libère dans mes entrailles,entre en ébullition et jette aux vents ces pénibles cautères,impuissants à soulager ma méchante blessure,sans plus de honte j’abandonnerai un combat devenu inégal ! »J’étais sérieux, j’applaudissais à mes propos,20 tu me disais de rentrer chez moi, et mon pas hésitant me ramenaità cette porte, hélas, si peu mon amie, hélas,au seuil si dur où j’avais rompu mes reins et mes flancs.Maintenant pour Lyciscus, qui se fait gloirede l’emporter en féminité sur la moindre femme, l’amour me tient25 et rien ne peut m’en détacher, ni les conseilssans détours de mes amis, ni les violents affronts,sauf une autre brûlure, pour une blanche filleou un garçon aux belles rondeurs, nouant sa longue chevelure.
Lecture avec le texte latin
Pettius, je n’ai plus le même plaisir qu’avant
Petti, nihil me sicut antea iuuat
à écrire de petits vers, sous le coup d’un violent amour,
scribere uersiculos amore percussum graui,
l’amour qui, moi entre tous, me recherche, veut
amore, qui me praeter omnis expetit
que je m’enflamme pour de souples éphèbes, pour des jeunes filles.
mollibus in pueris aut in puellis urere.
5 Vois, Décembre, le troisième depuis que j’ai fini
5 hic tertius December, ex quo destiti
d’être fou pour Inachia, fait tomber la parure des forêts.
Inachia furere, siluis honorem decutit.
Hélas, dans tout Rome – ah, j’ai honte d’un mal si grand -
heu me, per Vrbem (nam pudet tanti mali)
quelle fable j’ai été et quel regret des repas
fabula quanta fui, conuiuiorum et paenitet,
où ma langueur et mon silence dénonçaient
in quis amantem languor et silentium
10 mon amour, et un soupir tiré du fond de la poitrine.
10 arguit et latere petitus imo spiritus.
« Face au désir du gain un homme sincère mais pauvre
’contrane lucrum nil ualere candidum
ne vaut rien ? » je me plaignais, je pleurais contre toi,
pauperis ingenium’ querebar adplorans tibi,
dès que m’échauffait le dieu sans retenue,
simul calentis inuerecundus deus
profitant de la fièvre du vin pour étaler au jour mon secret.
feruidiore mero arcana promorat loco.
15 « Ah mais, si la bile se libère dans mes entrailles,
15 ’quodsi meis inaestuet praecordiis
entre en ébullition et jette aux vents ces pénibles cautères,
libera bilis, ut haec ingrata uentis diuidat
impuissants à soulager ma méchante blessure,
fomenta uolnus nil malum leuantia,
sans plus de honte j’abandonnerai un combat devenu inégal ! »
desinet inparibus certare submotus pudor.’
J’étais sérieux, j’applaudissais à mes propos,
ubi haec seuerus te palam laudaueram,
20 tu me disais de rentrer chez moi, et mon pas hésitant me ramenait
20 iussus abire domum ferebar incerto pede
à cette porte, hélas, si peu mon amie, hélas,
ad non amicos heu mihi postis et heu
au seuil si dur où j’avais rompu mes reins et mes flancs.
limina dura, quibus lumbos et infregi latus.
Maintenant pour Lyciscus, qui se fait gloire
nunc gloriantis quamlibet mulierculam
de l’emporter en féminité sur la moindre femme, l’amour me tient
uincere mollitia amor Lycisci me tenet ;
25 et rien ne peut m’en détacher, ni les conseils
25 unde expedire non amicorum queant
sans détours de mes amis, ni les violents affronts,
libera consilia nec contumeliae graues,
sauf une autre brûlure, pour une blanche fille
sed alius ardor aut puellae candidae
ou un garçon aux belles rondeurs, nouant sa longue chevelure.
aut teretis pueri longam renodantis comam.
Si Horace adopte dans cette pièce le ton et quelques poncifs de l’élégie romaine (par exemple la "porte insensible" aux pleurs de l’amant), il n’emploie pas le distique élégiaque (hexamètre et pentamètre dactyliques), mais un distique composé d’un hexamètre dactylique et d’un vers "élégiambique" associant trois mesures dactyliques, dont la dernière est incomplète (ou "catalectique") et quatre mesures iambiques. Cette épode est la seule composée sur ce modèle.