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Horace, Épodes 9 | La victoire de César
mercredi 22 août 2012, par
Quand boirai-je le Cécube réservé pour les repas de fête,joie de la victoire de César,avec toi, sous ta haute maison - oui, cela plaira à Jupiter -,bienheureux Mécène, quand le boirai-je,5 parmi le chant mêlé des flûtes et de la lyre,dorien pour elle et pour les autres, barbare ?comme auparavant, quand devenu la proie du flot le fils de Neptune,ce capitaine, prit la fuite, ses vaisseaux incendiés,lui qui menaçait Rome des chaînes qu’il avait ôtées10 aux esclaves félons, comme leur ami.Le Romain, hélas - hommes du futur, vous ne l’admettrez pas -aliéné à une femme,pour elle il porte le pieu et les armes, soldat, il peut aussiêtre au service d’eunuques ridés,15 et au milieu des enseignes militaires, honte,le soleil aperçoit la gaze d’une moustiquaire.Mais de notre côté ont tourné leur deux mille chevaux frémissantsles Gaulois, louangeant César,et les navires ennemis se sont cachés au port,20 poupe à gauche en toute hâte.Io, Triomphe ! fais-tu patienter les chars doréset les pures génisses ?Io, Triomphe ! jamais tu n’as ramené un chef pareil,ni celui de la guerre contre Jugurtha,sa valeur érigea un tombeau.Vaincu sur terre et sur mer, l’ennemi a changéla pourpre contre le sayon de deuil.Il veut gagner la Crète aux cent villes,30 mais les vents sur la route ne seront pas pour lui,ou se laisse porter par la mer incertaine.Apporte ici, enfant, des scyphes plus profonds35 ou mieux, pour contenir l’afflux du mal de mer,mesure-nous du Cécube.Le souci et la crainte pour les succès de César, c’est un bonheurde les dissiper dans la douceur de Lyæus.
Lecture avec le texte latin
Quand boirai-je le Cécube réservé pour les repas de fête,
Quando repositum Caecubum ad festas dapes
joie de la victoire de César [1],
uictore laetus Caesare
avec toi, sous ta haute maison - oui, cela plaira à Jupiter -,
tecum sub alta --- sic Ioui gratum --- domo,
bienheureux Mécène, quand le boirai-je,
beate Maecenas, bibam
5 parmi le chant mêlé des flûtes et de la lyre,
5 sonante mixtum tibiis carmen lyra,
dorien pour elle et pour les autres, barbare ?
hac Dorium, illis barbarum ?
comme il n’y a pas longtemps, quand devenu la proie du flot le fils de Neptune,
ut nuper, actus cum freto Neptunius
ce capitaine, prit la fuite, ses vaisseaux incendiés,
dux fugit ustis nauibus
lui qui menaçait Rome des chaînes qu’il avait ôtées
minatus Vrbi uincla, quae detraxerat
10 aux esclaves félons, comme leur ami.
10 seruis amicus perfidis.
Le Romain, hélas - hommes du futur, vous ne l’admettrez pas -
Romanus eheu --- posteri negabitis ---
aliéné à une femme,
emancipatus feminae
pour elle il porte le pieu et les armes, soldat, il peut aussi
fert uallum et arma miles et spadonibus
être au service d’eunuques ridés,
seruire rugosis potest
15 et au milieu des enseignes militaires, honte,
15 interque signa turpe militaria
le soleil aperçoit la gaze d’une moustiquaire [2].
sol adspicit conopium.
Mais de notre côté ont tournés leur deux mille chevaux frémissants
ad hunc frementis uerterunt bis mille equos
les Gaulois, louangeant César,
Galli canentes Caesarem
et les navires ennemis se sont cachés au port,
hostiliumque nauium portu latent
20 poupe à gauche en toute hâte.
20 puppes sinistrorsum citae.
Io, Triomphe ! fais-tu patienter les chars dorés
io Triumphe, tu moraris aureos
et les pures génisses ?
currus et intactas boues ?
Io, Triomphe ! jamais tu n’as ramené un chef pareil,
io Triumphe, nec Iugurthino parem
ni de la guerre contre Jugurtha,
bello reportasti ducem
25 ni l’Africain [3] pour qui au-dessus de Carthage
25 neque Africanum, cui super Karthaginem
sa valeur érigea un tombeau.
uirtus sepulcrum condidit.
Vaincu sur terre et sur mer, l’ennemi a changé
terra marique uictus hostis Punico
la pourpre contre le sayon de deuil.
lugubre mutauit sagum.
Il veut gagner la Crète aux cent villes,
aut ille centum nobilem Cretam urbibus
30 mais les vents sur la route ne seront pas pour lui,
30 uentis iturus non suis
cherche à atteindre les Syrtes battues par le Notus,
exercitatas aut petit Syrtis noto
ou se laisse porter par la mer incertaine.
aut fertur incerto mari.
Apporte ici, enfant, des scyphes plus profonds
capaciores adfer huc, puer, Scyphos
et des vins de Chio ou des vins de Lesbos,
et Chia uina aut Lesbia
35 ou mieux, pour contenir l’afflux du mal de mer,
35 uel quod fluentem nauseam coerceat
mesure-nous du Cécube.
metire nobis Caecubum.
Le souci et la crainte pour les succès de César, c’est un bonheur
curam metumque Caesaris rerum iuuat
de les dissiper dans la douceur de Lyæus.
dulci Lyaeo soluere.
Distiques : sénaires ïambiques et quaternaires ïambiques.
[1] Il s’agit de la victoire d’Actium (sept. 31 av. J.-C.), remportée par Octave sur Marc Antoine, victoire bientôt suivie des suicides d’Antoine et de Cléopâtre. Mécène y était (voir Épode 1), Horace probablement l’attendait à Rome (ces deux points sont toutefois des conjectures). La victoire d’Actium est le tournant décisif en faveur d’Octave.
[2] Il s’agit d’une tente abritant Cléopâtre (emancipatus feminæ "s’est aliéné à une femme"), qui accompagnait Antoine dans le camp. La mention des eunuques se retrouve dans l’ode I, 37 v. 9-10 (contaminato cum grege turpium / morbo uirorum).
[3] L’Africain évoquerait Scipion l’Africain, mais la mention de Carthage oriente plutôt vers Scipion Émilien, responsable de la destruction de Carthage, si ce n’est qu’il n’a pas son tombeau à Carthage. La traduction et l’interprétation de cette phrase : neque Africanum, cui super Carthaginem / uirtus sepulcrum condidit, est controversée, on a proposé des variantes (Africanum / Africani / Africano) J’avoue ne pas bien comprendre.