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Horace, Épodes 7 | N’est-ce pas assez de sang ?

mercredi 1er août 2012, par Danielle Carlès

Où courez-vous, impies, où courez-vous ? Pourquoi vos mains
s’arment-elles des épées qui étaient au fourreau ?
N’est-ce pas assez sur les plaines et sur Neptune
de tout ce sang latin versé à profusion ?
Non pour que le Romain brûle la citadelle orgueilleuse
de l’envieuse Carthage,
ou que le Breton jusque-là épargné descende
enchaîné la voie Sacrée,
mais, suivant les vœux des Parthes, pour que
cette ville meure de sa propre main !
Jamais les loups, jamais les lions ne se sont ainsi comportés,
sinon contre une espèce différente, ces bêtes féroces.
Est-ce une aveugle fureur qui vous emporte, une violence trop impulsive,
est-ce par votre faute ? répondez !
Ils se taisent et une blême pâleur infiltre les visages,
les esprits bouleversés restent dans la stupeur.
C’est ainsi : un âpre destin poursuit les Romains
et le crime impie de tuer son frère,
depuis le jour où coula sur la terre le sang de Rémus innocent,
maudit pour ses arrières-neveux.

Lecture avec le texte latin

Où courez-vous, impies, où courez-vous ? Pourquoi vos mains

Quo, quo scelesti ruitis ? aut cur dexteris

s’arment-elles des épées qui étaient au fourreau ?

aptantur enses conditi ?

N’est-ce pas assez sur les plaines et sur Neptune [1]

parumne campis atque Neptuno super

de tout ce sang latin versé à profusion ?

fusum est Latini sanguinis,

Non pour que le Romain brûle la citadelle orgueilleuse

5 non ut superbas inuidae Karthaginis

de l’envieuse Carthage,

Romanus arces ureret,

ou que le Breton jusque-là épargné descende

intactus aut Britannus ut descenderet

enchaîné la voie Sacrée,

sacra catenatus uia,

mais, suivant les vœux des Parthes, pour que

sed ut secundum uota Parthorum sua

cette ville meure de sa propre main !

10 Vrbs haec periret dextera ?

Jamais les loups, jamais les lions ne se sont ainsi comportés,

neque hic lupis mos nec fuit leonibus

sinon contre une espèce différente, ces bêtes féroces.

umquam nisi in dispar feris.

Est-ce une aveugle fureur, une violence trop impulsive qui vous emporte,

furorne caecos an rapit uis acrior

est-ce par votre faute ? répondez !

an culpa ? responsum date.

Ils se taisent et une blême pâleur infiltre les visages,

15 tacent et albus ora pallor inficit

les esprits bouleversés restent dans la stupeur.

mentesque perculsae stupent.

C’est ainsi : un âpre destin poursuit les Romains

sic est : acerba fata Romanos agunt

et le crime impie de tuer son frère,

scelusque fraternae necis,

depuis le jour où coula sur la terre le sang de Rémus innocent,

ut inmerentis fluxit in terram Remi

maudit pour ses arrières-neveux.

20 sacer nepotibus cruor.


Distiques : sénaires et quaternaires ïambiques.


[1Écrit dans le contexte des guerres civiles qui ont suivi l’assassinat de César, l’allusion au sang répandu "sur Neptune" évoquant la guerre maritime qui opposa les triumvirs et Octave en particuliers à Sextus Pompée. Voir Épode 4 (Esclave). L’histoire de Rome commence, comme on le sait, par le crime fratricide de Romulus.

Messages

  • Le poème s’ouvre immédiatement, par des questions rhétoriques contre les romains qui sont apostrophés par l’adjectif dépréciatif “criminels” car ils vont reprendre la guerre civile. La brièveté de ces phrases augmente leur violence. Les vers trimètres ïambiques accentuent cette rapidité. La répétition de l’adverbe interrogatif “quo” entraine une allitération en [k] son guttural, et désagréable sont en accord avec la violence du discours, ainsi que du sujet.
    Le sang romain est versé en tous lieux : la mer comme indiqué par le nom “neptune” et “la plaine”. Ceux-ci prennent l’espace de tout un vers : on a l’impression que la guerre civile a une dimension universelle. Cette violence n’est pas tourné vers des peuples étrangers et ennemis comme les Carthaginois et les Bretons : ce ne sont pas des guerres de conquête.La guerre civile est vue comme auto-destructrice. “suivant le vœu des Parthes, notre ville va périr de ses propres mains” Les Parthes sont les ennemis jurés des Romains accentuant la cruauté de cette allusion. Oui bien sur les Romains ont commis une faute : la guerre civile..L’impératif “responsum date” : donnez une réponse ! contraste par sa brièveté avec l’exposé de la violence des romains Le mettant en valeur. De plus ceci augmente la dramatisation de ce discours dans le poème Cependant les romains se taisent : on comprend qu’ils ne peuvent se justifier. Horace alors expose son interprétation quand à l’origine des guerres civiles : les origines de Rome orace est loin de sacraliser les origines de Rome. Celle-ce est vu comme une faute originel que les Romains portent toujours sur eux. Le nom “scelus” : crime v18 placé en début de vers et mis en valeur répond à l’apostrophe “scelesti” :criminels v1 qui désignent les Romains. Car en effet Romulus tue Rémus parce que celui-ci franchit le Pomoerium en armes par provocation ce qui est un sacrilège impardonnableOn peut remarquer le pessimisme d’Horace : Rome est vu comme une civilisation violente depuis son origine. De plus ce poème dans ses premiers vers (v1-v14) s’apparente un discours. Aristote faisait la distinction ainsi que Cicéron dans ses dialogues de l’orateur. Le rhéteur joue beaucoup sur le pathos : on peut citer les images violentes des loups et des lions ainsi que l’évocation des Parthes. L’ethos de réprimander est défini par les questions rhétoriques.
    Cependant il joue aussi sur des effets poétiques comme des allitérations en sons violents [k], [r] et certains rejets.

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