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Horace, Épodes 2 | Qu’il est heureux loin des affaires
mardi 10 juillet 2012, par
« Qu’il est heureux, loin des affaires,comme les mortels des premiers âges,celui qui travaille les champs de ses pères, avec ses bœufs à lui,libre de tout prêt à usure.On ne le réveille pas, soldat, au son terrible de la trompette,il ne connaît pas l’horreur de la mer démontée,et se tient à l’écart du forum et des seuils arrogantsdes citoyens puissants.Le voilà donc à marier les pousses déjà grandes de la vigneet les hauts peupliers,il observe au loin, dans un renfoncement de vallée,les troupeaux vagabonds de bêtes mugissanteset taille à la serpe les rameaux improductifspour en greffer de plus fertiles,renferme le miel exprimé dans des amphores impeccablesou tond ses faibles brebis,ou bien, quand l’Automne lève au-dessus des champssa tête ornée de fruits mûrs,quelle n’est pas sa joie de cueillir des poires grefféeset du raisin qui le dispute à la pourprepour les offrir à toi, Priape, et à toi, père,ô Silvain, gardien des limites.À plaisir il s’étend parfois sous l’yeuse antique,parfois dans l’herbe drue,tandis que coulent les eaux entre les rives élevées,que chantent les oiseaux plaintivement dans la forêtet les sources ruisselantes bruissent d’un soninvitant à un sommeil léger.Mais quand vient l’Hiver, saison où Jupiter tonnantamène la pluie et la neige,il débusque ici et là, avec sa meute de chiens, les sangliers impétueuxpour les rabattre dans les pièges dressés sur le passage,tend des filets à larges mailles sur une perche lissepour tromper les grives gloutonnesou bien il pose des collets pour attraper un lièvre peureux, une gruevenue de loin, c’est un agréable butin.Qui n’oublie le souci des maux de l’amourau milieu de tout cela ?Et si une chaste épouse prenait part à ce bonheuren s’occupant de la maison et des enfants chéris,telle une Sabine ou la femme brûlée de soleild’un Apulien vif à l’ouvrage ?Et elle chargerait le foyer sacré d’un bois coupé de longue dateau retour de son mari fatigué,elle enfermerait les grasses brebis dans le treillis à claire-voiepour vider leurs mamelles distendueset elle tirerait de la précieuse jarre le vin de l’année,préparerait un repas où rien n’est acheté.Ah non, les coquillages du lac Lucrin ne me plairaientpas mieux, ni le turbot, ni les scares(si, tonnant sur les flots du côté de l’Orient, la tempêteen détournait quelques-uns vers notre mer),non, un oiseau d’Afrique ne descendrait pas dans mon ventre,plus volontiers que ces olives cueillies sur l’arbreaux rameaux les plus chargés,plus que l’oseille amoureuse des prés et la mauvesalutaire pour les douleurs du corps,ou que l’agnelle tuée aux fêtes du Terme,que le chevreau arraché au loup.Et au milieu de ces festins, le plaisir de voir les brebis repuesse hâter vers l’étable,de voir les bœufs fatigués tirer le soc renversé,leur cou languissant,et l’essaim des esclaves nés dans la maison, grande richesse,installé tout autour des Lares reluisants ! »C’est Alfius l’usurier qui vient de parler,déjà, déjà un vrai paysan,mais il a fait rentrer aux Ides tout son argentet cherche à le placer pour les Calendes.
Lecture avec le texte latin
"Qu’il est heureux, loin des affaires
Beatus ille qui procul negotiis
comme les mortels des premiers âges,
ut prisca gens mortalium
celui qui travaille les champs de ses pères, avec ses bœufs à lui,
paterna rura bobus exercet suis
libre de tout prêt à usure,
solutus omni fenore
on ne le réveille pas, soldat, au son terrible de la trompette,
neque excitatur classico miles truci,
il ne connaît pas l’horreur de la mer démontée,
neque horret iratum mare,
et se tient à l’écart du forum et des seuils arrogants
forumque uitat et superba ciuium
des citoyens puissants.
potentiorum limina.
Le voilà donc à marier les pousses déjà grandes de la vigne
Ergo aut adulta uitium propagine
et les hauts peupliers,
altas maritat populos,
il observe au loin, dans un renfoncement de vallée,
aut in reducta ualle mugientium
les troupeaux vagabonds de bêtes mugissantes,
prospectat errantis greges,
et taille à la serpe les rameaux improductifs
inutilisque falce ramos amputans
pour en greffer de plus fertiles,
feliciores inserit,
renferme le miel exprimé dans des amphores impeccables
aut pressa puris mella condit amphoris
ou tond ses faibles brebis.
aut tondet infirmas ouis,
ou bien, quand l’Automne lève au-dessus des champs
uel, cum decorum mitibus pomis caput
sa tête ornée de fruits mûrs,
Autumnus agris extulit,
quelle n’est pas sa joie de cueillir des poires greffées
ut gaudet insitiua decerpens pira
et du raisin qui le dispute à la pourpre
certantem et uuam purpuræ
pour les offrir à toi, Priape, et à toi, père,
qua muneretur te, Priape, et te, pater
ô Silvain, gardien des limites.
Siluane, tutor finium.
À plaisir il s’étend parfois sous l’yeuse antique,
Libet iacere modo sub antiqua ilice,
parfois dans l’herbe drue,
modo in tenaci gramine,
tandis que coulent les eaux entre les rives surélevées,
labuntur altis interim ripis aquæ
que chantent les oiseaux plaintivement dans la forêt
queruntur in siluis aues,
et les sources ruisselantes bruissent d’un son
fontesque lymphis obstrepunt manantibus
invitant à un sommeil léger.
somnos quod inuitet leuis.
Mais quand vient l’Hiver, saison où Jupiter tonnant
At cum tonantis annus hibernus Iouis
amène la pluie et la neige,
imbres niuesque comparat,
il débusque ici et là, avec sa meute de chiens, les sangliers impétueux
aut trudit acris hinc et hinc multa cane
pour les rabattre dans les pièges dressés sur le passage,
apros in obstantis plagas
tend des filets à larges mailles sur une perche lisse
aut amite leui rara tendit retia
pour tromper les grives gloutonnes
turdis edacibus dolos,
ou bien il pose des collets pour attraper un lièvre peureux, une grue
pauidum leporem et aduenam laqueo gruem
venue de loin, c’est un agréable butin.
iucunda captat præmia.
Qui n’oublie le souci des maux de l’amour
Quis non malarum quas amor curas habet
au milieu de tout cela ?
hæc inter obliuiscitur ?
Et si une chaste épouse prenait part à ce bonheur
Quodsi pudica mulier in partem iuuet
en s’occupant de la maison et des enfants chéris,
domum atque dulcis liberos
telle une Sabine ou la femme brûlée de soleil
Sabina qualis aut perusta solibus
d’un Apulien vif à l’ouvrage ?
pernicis uxor Apuli,
et elle chargerait le foyer sacré d’un bois coupé de longue date,
sacrum uetustis exstruat lignis focum
au retour de son mari fatigué,
lassi sub aduentum uiri
elle enfermerait les grasses brebis dans le treillis à claire-voie
claudensque textis cratibus lætum pecus
pour vider leurs mamelles distendues
distenta siccet ubera
et elle tirerait de la précieuse jarre le vin de l’année,
et horna dulci uina promens dolio
préparerait un repas où rien n’est acheté.
dapes inemptas apparet,
Ah non, les coquillages du lac Lucrin ne me plairaient
non me Lucrina iuuerit conchylia
pas mieux, ni le turbot, ni les scares
magisue rhombus aut scari
(si, tonnant sur les flots du côté de l’Orient, la tempête
siquos Eois intonata fluctibus
en détournait quelques-uns vers notre mer),
hiems ad hoc uertat mare,
non, un oiseau d’Afrique ne descendrait pas dans mon ventre,
non Afra auis descendat in uentrem meum,
ni un francolin d’Ionie,
non attagen Ionicus
plus volontiers que ces olives cueillies sur l’arbre,
iucundior quam lecta de pinguissimis
sur les rameaux les plus chargés,
oliua ramis arborum,
que l’oseille amoureuse des prés et la mauve
aut herba lapathi prata amantis et graui
salutaire pour les douleurs du corps,
maluæ salubres corpori,
ou que l’agnelle tuée aux fêtes du Terme,
uel agna festis cæsa Terminalibus
que le chevreau arraché au loup.
uel hædus ereptus lupo.
Et au milieu de ces festins, le plaisir de voir les brebis repues
Has inter epulas ut iuuat pastas ouis
se hâter vers l’étable,
uidere properantis domum,
de voir les bœufs fatigués tirer le soc renversé,
uidere fessos uomerem inuersum boues
leur cou languissant,
collo trahentis languido
et l’essaim des esclaves nés dans la maison, grande richesse,
positosque uernas ditis examen domus,
installé tout autour des Lares reluisants !"
circum renidentis Lares."
C’est Alfius l’usurier qui vient de parler,
Hæc ubi locutus fenerator Alfius,
déjà, déjà un vrai paysan,
iam iam futurus rusticus,
mais il a fait rentrer aux Ides tout son argent
omnem redegit Idibus pecuniam,
et cherche à le placer pour les Calendes.
quærit Kalendis ponere.
Distiques : sénaire ïambique et quaternaire ïambique.
Modifié le 21 janvier 2014
Messages
1. Horace, Épodes 2 | Qu’il est heureux loin des affaires, 10 janvier 2015, 11:33, par PIERUCCI André
Comment peut-on scander le vers 33 de cette épode :
"Aut amite levi rara tendit retia"
Merci.
1. Horace, Épodes 2 | Qu’il est heureux loin des affaires, 16 janvier 2015, 14:16, par Danielle Carlès
La pièce est composée en distiques associant un sénaire ïambique et un quaternaire ïambique. On a ici un sénaire.
Les mesures ïambiques sont sujettes à d’assez fréquentes substitutions (spondée, dactyle, anapeste, tribraque).
Ainsi :
aut ami | te le |vi ra |ra ten| dit re | tia
longue brève brève | brève longue | longue longue | brève longue | longue longue | brève brève
dactyle | ïambe | spondée | ïambe | spondée | ïambe
Merci de votre passage et de votre question. Ai-je assez répondu - dans les limites de mes connaissances :) ?