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Virgile, Énéide VI, 417-439 | Cerbère et les innocents
vendredi 7 octobre 2022, par
Cerbère ici, énorme, fait retentir l’aboiement de ses trois gueules
à travers le royaume, couché, monstrueux, dans une caverne en face.
La prophétesse, voyant déjà se hérisser sur ses cous les couleuvres,
lui jette une boulette de miel et de graines préparées pour l’endormir.420
Lui, avec une faim rageuse, ouvre grand ses trois gorges
et attrape au vol ce qu’on lui jette. Il étire son dos monstrueux,
étendu sur le sol, et sa masse énorme allongée occupe tout l’espace de la caverne.
Énée s’engouffre dans le passage dès que le gardien a sombré
et quitte en vitesse le bord de l’eau interdite au retour.425
Immédiatement se font entendre des voix, un vagissement immense,
les âmes de tout petits en pleurs, ceux qu’au seuil du premier âge,
exclus par le sort d’une douce vie et ravis au sein maternel,
un sombre jour a emportés et précipité dans une mort amère.
Tout à côté voici les condamnés à mort sur une fausse accusation.430
Et ce n’est pas, bien sûr, sans décision du sort ni juge que l’on accède à cette place.
Minos est l’instructeur. Il agite l’urne, convoque un jury
d’âmes silencieuses et étudie les vies et les accusations.
Tout proche, le lieu suivant est occupé par les désespérés. Ceux-là se sont donné la mort,
innocents pourtant, de leur propre main, et ne supportant plus la lumière du jour435
ont rejeté leur vie. Comme ils voudraient dans l’éther d’en haut
endurer maintenant même la pauvreté et les plus durs travaux !
Cela n’est pas permis. Le triste marais dont l’eau n’offre rien d’aimable
les emprisonne et neuf méandres du Styx les enserrent.