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Virgile, Énéide VI, 77-101 | L’oracle de la Sibylle
mercredi 21 septembre 2022, par
Mais elle n’accepte pas Phébus, pas encore, et, farouche, dans la grotte
la prophétesse se démène, comme si elle pouvait de sa poitrine
en ruant faire tomber le puissant dieu. Lui, de plus belle, fatigue
sa bouche rageuse, domptant son cœur sauvage, et il la façonne sous son étreinte.80
Et voici que les cent portes géantes de la demeure s’ouvrirent
d’elles-mêmes. Elles laissent passer les oracles de la prophétesse à travers les airs.
« Ô toi qui es enfin quitte des grands dangers de la mer
– mais de pires t’attendent sur terre – au royaume de Lavinium
les Dardanides parviendront, ôte ce souci de ton cœur,85
mais ils voudront aussi ne pas y être parvenus. Des guerres ! Je vois de terribles guerres,
et le Thybris couvert d’une écume de sang !
Ni le Simoïs, ni le Xanthe, ni le camp dorien
il ne te manquera. Un autre Achille est déjà en ce monde pour le Latium,
né lui aussi d’une déesse. Attachée aux pas des Teucriens, Junon90
nulle part ne sera absente, tandis que toi, suppliant et dans la détresse,
quelles nations italiennes, quelles villes ne prieras-tu pas !
La raison de si grands malheurs pour les Teucriens : de nouveau une épouse étrangère,
de nouveau un mariage en dehors.
Ne cède pas devant ces malheurs, non, au contraire, va avec plus d’audace95
où ta fortune te le permettra. La première voie de salut,
peux-tu l’imaginer ? une ville grecque l’ouvrira devant toi. »
C’est en ces mots venus des tréfonds sacrés que la Sibylle cuméenne
chante ses énigmes effrayantes et les mugit dans l’antre,
enveloppant le vrai d’obcurités. Hoche le mors de la furieuse100
et de ses éperons lui vrille le coeur Apollon.