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avec Christine Zottele
vendredi 3 août 2012, par
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… "Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre."
Très touchée et fière de l’invitation de Christine Zottele dont j’aime l’écriture inventive, pleine d’humour et de finesse. Nous avons chacune tricoté nos phrases avec celles de l’autre et amicalement dialogué. Il semblerait bien toutefois qu’elle et moi cela fasse beaucoup plus de monde que nos deux personnes...
Carpe diem autrement écrit par un autre que lui (Horace, Ode I, 11) une autre qu’elle (la traductrice) – car elle est plusieurs et ne s’arrête pas de traduire de trouver d’autres manières de dire et redire les paroles du maître de sorte que suivant l’assaisonnement choisi –car elle est aussi cuisinière – on comprend parfois ce qu’on n’avait pas compris lors d’une précédente version ou l’on découvre ce qu’on ne cherchait pas forcément… Ainsi ce qui suit comme le pastiche d’une version en vers justifiés (inventés par un autre Lucien Suel).
trop peu de temps le temps de
parler la vie fuit jalouse de
nous cueille-le ce jour ne te
remets pas à demain peut-êtrepeut-être sera-t-il trop tard
peut-être demain et si demain
n’existait pas il te faudrait
le créer hic et nunc sans italique sans tarder va puiser à
la fontaine de Bandusie ne ga
gne pas du temps va écris-lis
va bois verse prends et offre
Le chœur des Dani-elles :
Nous vieillissons, pas le monde.
Retournons boire aux sources du passé, faisons sonner de belles interprétations, réveillons les mots qui dorment, avec ce qu’il faut de grandiloquence surannée et d’enthousiasme enfantin !
L’échassière de détours :
Mais sur les bancs de l’université je ne suis pas allée, le latin on ne m’a pas enseigné, et il me reste tant de sentiers à parcourir, tant de chemins à échasser…
La sonneuse de voyelles :
N’aie crainte mon enfant, à la grandiloquence surannée se substituent très grandes pattes qui forment les lettres des mots buissonniers ; quant à l’enthousiasme enfantin tu en as en abondance pour écrire des fantaisies qui nous ravissent !
L’échassière de détours :
Oui mais j’ai faim d’autres saveurs, d’autres savoirs. Je veux rencontrer le maître ou son interprète ou sa cuisinière pour qu’il m’enseigne à cueillir le jour !
L’éveilleuse endormie :
Alors il te faut sans détour et sur l’instant aller à la source de Bandusie : sous l’yeuse, tu trouveras la cuisinière qui puise de l’eau fraîche pour apaiser notre langue et désaltérer notre âme.
L’échassière de détours :
Mais…
L’ivresse du vase :
Oh le vilain mot ! Ne dis pas de sottise ! Écoute-toi et tes désirs ! Écoute, va, fais l’offrande à la source et bois…
Le chœur des Dani-elles :
Elle est partie retrouver la cuisinière du maître ; nous la distinguons à peine tant elle se déplace rapidement sur ses échasses et sur sa jeunesse. Devrons-nous l’appeler autrement désormais ? Nous l’apercevons caressant le chevreau bientôt sacrifié à la fontaine de Bandusie. Elle s’approche et boit et parle avec la cuisinière, qui veut préparer de la langue à son maître assaisonnée à sa manière…
Acceptons en confiance de partager avec Horace la cuisine simple et savoureuse des jardins rustiques et des prés, et suivons-le dans sa quête sincère d’une vie heureuse.
Suivons le maître dont le nom est caché, dont on ne saura pas s’il est Romain ou étranger, dont la personne est d’autant plus recherchée qu’il ne s’expose pas, dont la science se formule en recettes dont le sens, comme le jaune de l’œuf, se révèle sous la coquille calleuse des mots, qui résistent parfois, mais avec le vin, cela passera mieux.
Car le savoir sapere ne s’enchaîne pas aux paroles du sage sapiens. Bien au contraire, il faut avoir développé son goût sapere pour avoir une chance de débrouiller un peu le problème des saveurs sapor.
Nous l’entendons encore lui dire ceci :
De la douceur toujours, et du vin, mais sans mollesse, un appétit toujours aiguisé, mais sans caprice, et sans laisser-aller.
Débarrassé de toute gêne, sans mesquinerie ni pratique tatillonne, on pourra alors songer à mélanger en juste proportion les arômes subtils élaborés ici et ailleurs à de bonne huile italienne, et généreusement. On servira sans façon à chacun son assaisonnement, piquant, amer ou sucré.
Et avec ça une seule leçon sans nulle ambiguïté : que le vase soit propre.
Et maintenant que fait-elle ? Que faisons-nous ? La nuit tombe, allons-nous la cueillir avant d’avoir dîné ? À quelle table ?
L’ivresse du vase :
N’aurez-vous pas bientôt terminé de poser des questions et de jacasser, mes sœurs les pies ? Un temps pour tout et hic et nunc dressons la table !
O source de Bandusie claire si transparen te plus que du verre hommage à toi du vin tu nous nourris nous rafraichis nous vivi fies nous rends heur eux en partageant le lirécrire faisant de nous des frères d’en cre quant au sang d’ encre il n’a plus li eu d’être sinon d’im primante permets-moi de t’offrir offrande bien maladroite vers justifiés faiblement ne soufflant pas cep endant du vent j’esp ère mais le désir et le plaisir renouvelé d’écrire et rebondir
Sources (en italiques) puisées sur le blog Fonsbandusiae : Mercredi 18 janvier 2012 Carpe diem autrement écrit (Horace, Ode I, 11) ; Jeudi 24 novembre 2011 Traduire ? ; Mercredi 29 février 2012 Un peu de ma cuisine avec les ingrédients du maître (Sat. II, 4) ; Mercredi 25 janvier 2012 Fons Bandusiae (Ode III, 13) en vers justifiés.
Retrouvez la liste de tous les vases communicants d’août, établie par Brigitte Celerier. Merci à elle.