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avec le promeneur
Trois chants
jeudi 1er novembre 2012, par
Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… "Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre."
Aujourd’hui le promeneur vient chez moi tandis que je prends sa place ici.
Grâce à la généreuse attention de Brigitte Célerier vous pouvez retrouver ici la liste de tous les vases communicants de novembre.
En ce jour d’échange, je pense à Maryse.
I- Il y eut encore le chant XXV et les autres
Les nombreux autres chants, les longues strophes
Et les lourds avirons qui frappaient la mer d’encre
Voyages symboliques, disons plutôt Recherche
Qui traverse la littérature des vieux pays
Oui la mémoire est bien cette aventure, ces allers et retours
La conscience de la cyclicité des mondes
Que tente de comprendre un homme voué à la solitude et à la survie
Et qui voit toute vie comme une odyssée en somme
Donc Ulysse ici puis là, visible puis invisible
(U pour le creux de la vague, les deux S de la houle jumelle qui déferle,
l’Y comme une quille qui s’incline, L qui est un mât paru sur l’horizon)
Au chant MCCXXIII et dans les suivants
Te souviens-tu d’Ithaque en 1976 sur le port,
Avec ces deux étudiants Dimitri et Nicolas
Tous deux ayant fait, eux, des études de Lettres à Paris
Nous avions entrepris à partir de nos maigres connaissances — et disons le
En abusant un peu d’un excellent café —
D’inventorier les traces du Héros dans la littérature
Qui pour moi se résumait à Saint Lagarde & Michard
J’étais gentil et absolument naïf en ce temps là ô Scriptophage
II- Et la présence des dieux semblait dominer l’univers entier
Mais des dieux capricieux, terriblement humains,
Capables de colère, d’amours, de jalousies, des dieux qui nous ressemblent
Qui essaieraient de jouer au flipper avec l’existence humaine
Pour moi ce qu’on appelle Destin était seulement
Le coup de colère de l’un d’entre eux, sa décision d’un matin triste,
Ou le résultat d’un défi de fin de soirée sur l’Olympe
Mais nos dieux ont désormais le visage de
La Publicité & du Commerce
Et Ulysse est désormais sponsorisé par les Télécom™
Moulinant l’encre noire des houles pacifiques, il
Cingle vers la ligne d’arrivée du Vendée Globe
Il est seul au milieu de la mer, chante pour avoir
Moins peur & bien sûr l’aurore a des doigts de rose
Mais aussi nous savons périls et monstres marins
Sommeil, tentations féminines parfumées et puis
Encore les ruses des ennemis ou le temps qui passe
Avec toute la Lyre des jours
Alors ce premier novembre 2012, moi Télémaque Pannonikis,
Grutier sur le port pétrolier de Rotterdam je
Commence sur un carnet à spirale,la narration de ma simple existence
III- A quoi vraiment ai-je dépensé l’excellent temps de ma jeunesse ?
Rien ne pressait, avec une sorte de dandysme un peu vain
J’arpentais le jardin du monde, je me promenais :
A la fin des livres il me semblait connaître l’Arabie,
Le port d’Aden sous la violente lumière de mercure de midi
Et caetera que je croyais savoir parce que je l’imaginais
Confusion des couleurs Ivresse des attentes entre les chapitres
Départ vifs, bruits de l’ancre qu’on remonte dans l’aube bleu sombre des romans
Mais comme disent les paroles envoûtante de l’aède
Que le retour au réel fut ardu, le chemin rude : on a bien noirci le carnet de dessins,
Respiré des parfums de gingembre, de cardamone,
Visité les fééries, et fouillé l’ancienne cité de Kamiros,
Ouvert des coffres pendant qu’on passait la nuit
A jouer sans atout aux cartes marines
Mais si je fus avec passion Roland, Zorba, Pantagruel ou Michel Strogoff
Ai-je ma Pénélope progressé dans la sagesse et la frugalité ?
Homme de rien dans l’invraisemblable fracas de l’époque
Tenu de deviner chaque pas dans le noir
C’est à toi que je demande ô vieil Homère :
Dis moi demain quel nouveau prodige devrai-je accomplir
Quand le matin se lèvera et que je devrai reprendre l’aviron ?