Accueil > Traductions - Textes > Latin > Virgile > Enéide > Énéide Livre V > Virgile, Énéide V, 450-484 | Fin du combat
Virgile, Énéide V, 450-484 | Fin du combat
mardi 30 août 2022, par
D’émotion tous se lèvent d’un bloc, Teucriens et peuple de Trinacrie.450
Une clameur monte vers le ciel. Aceste est le premier qui accourt
et en le plaignant il relève du sol son ami, son compagnon d’âge.
Mais le héros n’est pas ralenti par sa chute ni découragé,
il revient plus ardent au combat et la colère ravive son énergie.
Maintenant la honte attise ses forces, et la conscience de sa valeur.455
Il pousse Darès devant lui et lui fait violemment traverser toute l’arène,
tantôt du droit redoublant ses coups, tantôt du gauche.
Ni trêve ni repos. Aussi drus que crépitent les nuages de grêle
sur les toits, ainsi le héros sous ses coups répétés
sans relâche de l’un et l’autre poing repousse et bouscule Darès.460
Mais Énée Père ne souffrit pas que la colère aille plus loin
et qu’Entelle se laisse emporter par sa fureur impitoyable.
Il décida la fin du combat et en arracha Darès à bout de force
avec des propos apaisants, et voici ses mots :
"Infortuné, quelle grande folie s’est emparée de toi !465
Cette force est différente et la faveur divine a changé de camp, ne le sens-tu pas ?
Incline-toi devant un dieu !" Il dit, et sa parole sépara les combattants.
Et l’un, ses fidèles camarades, traînant ses genoux mal en point,
la tête ballotant d’un côté et de l’autre, crachant des caillots
par la bouche et des dents mêlées dans le sang,470
le ramènent aux navires. On les appelle pour recevoir
le casque et l’épée et ils laissent à Entelle la palme et le taureau.
L’autre, le vainqueur, triomphe, et du taureau se montre fier.
"Né d’une déesse, et vous, dit-il, connaissez maintenant, ô Teucriens,
cette force que j’ai eue quand mon corps était jeune475
et ce dont vous avez sauvé Darès, la mort d’où il a été ramené."
Il dit, et se planta face à face avec le taureau
qui se tenait là, récompense du combat, et du poing droit ramené en arrière
il lui balança entre les cornes juste au milieu les cestes cruels
de toute sa hauteur et enfonça les os, pulvérisant la cervelle.480
Le boeuf terrassé avec des soubresauts sans vie tombe à terre.
Mais lui épanche son coeur avec ces paroles qu’il ajoute :
"Envers toi, Éryx, par cette vie préférable, en échange de la mort de Darès,
je m’acquitte. Ici, vainqueur, je dépose mes cestes et mon art."