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Virgile, Énéide II v. 199-227 | Laocoon et les serpents
lundi 8 avril 2013, par
Ici, autre chose, de plus grave, de beaucoup plus terrible, s’offre aux yeux
[200] des malheureux que nous sommes et bouleverse les cœurs désemparés.
Laocoon avait été désigné par le sort pour célébrer le culte de Neptune
et il sacrifiait un énorme taureau sur l’autel dédié au rite solennel.
Mais au même moment, partant de Ténédos à travers les eaux profondes et calmes,
− je frissonne d’horreur à le raconter – un couple jumeau de serpents en orbes gigantesques
[205] s’abat à la surface de la mer, et se dirige de concert vers le rivage.
Leurs poitrines dressées sur les flots, leurs crêtes
rouges sang dépassent des eaux. Tout le reste balaie la mer
derrière et leurs dos gigantesques forment des courbes ondulées,
dans un vacarme d’écume et de sel. Et déjà ils touchaient terre,
[210] avec leurs yeux ardents, injectés de sang et de feu,
et ils sifflaient, et léchaient leurs gueules de leurs langues dardées.
Voyant cela nous fuyons dans tous les sens, exsangues. Mais eux, d’un train assuré,
foncent sur Laocoon. D’abord ce sont deux petits enfants,
ses deux fils, que le couple de serpents embrasse,
[215] tient serrés enlacés, et il mord, il dévore les pauvres corps.
Puis c’est son tour, tandis qu’il se porte à leur secours en brandissant ses armes.
Ils le saisissent, le lient de nœuds énormes, et déjà
deux fois ils ont enlacé son torse, enserré deux fois son cou
de leurs peaux écailleuses, dressant têtes et nuques au-dessus de lui.
[220] Il tente avec ses mains de rompre les nœuds,
il a ses bandelettes imprégnées de pus, de noir venin,
et dans le même temps il fait monter vers les astres des cris épouvantables,
comme le mugissement d’un taureau qui fuit l’autel, blessé,
après avoir secoué de sa nuque la hache maladroite.
[225] Mais les dragons jumeaux, glissant vers la hauteur du sanctuaire,
s’enfuient et gagnent la citadelle de la cruelle Tritonienne,
puis se cachent aux pieds de la déesse, sous l’orbe de son bouclier.
Lecture avec le texte latin
Ici, autre chose, de plus grave, de beaucoup plus terrible, s’offre aux yeux
Hic aliud maius miseris multoque tremendum
[200] des malheureux que nous sommes et bouleverse les cœurs désemparés.
200 obicitur magis, atque improuida pectora turbat.
Laocoon avait été désigné par le sort pour célébrer le culte de Neptune
Laocoon, ductus Neptuno sorte sacerdos,
et il sacrifiait un énorme taureau sur l’autel dédié au rite solennel.
sollemnis taurum ingentem mactabat ad aras.
Mais au même moment, partant de Ténédos à travers les eaux profondes et calmes,
Ecce autem gemini a Tenedo tranquilla per alta —
− je frissonne d’horreur à le raconter – un couple jumeau de serpents en orbes gigantesques
horresco referens — immensis orbibus angues
[205] s’abat à la surface de la mer, et se dirige de concert vers le rivage.
205 incumbunt pelago, pariterque ad litora tendunt ;
Leurs poitrines dressées sur les flots, leurs crêtes
pectora quorum inter fluctus arrecta iubaeque
rouges sang dépassent des eaux. Tout le reste balaie la mer
sanguineae superant undas ; pars cetera pontum
derrière et leurs dos gigantesques forment des courbes ondulées,
pone legit, sinuatque immensa uolumine terga.
dans un vacarme d’écume et de sel. Et déjà ils touchaient terre,
Fit sonitus spumante salo ; iamque arua tenebant,
[210] avec leurs yeux ardents, injectés de sang et de feu,
210 ardentisque oculos suffecti sanguine et igni,
et ils sifflaient, et léchaient leurs gueules de leurs langues dardées.
sibila lambebant linguis uibrantibus ora.
Voyant cela nous fuyons dans tous les sens, exsangues. Mais eux, d’un train assuré,
Diffugimus uisu exsangues : illi agmine certo
foncent sur Laocoon. D’abord ce sont deux petits enfants,
Laocoonta petunt ; et primum parua duorum
ses deux fils, que le couple de serpents embrasse,
corpora natorum serpens amplexus uterque
[215] tient serrés enlacés, et il mord, il dévore les pauvres corps.
215 implicat, et miseros morsu depascitur artus ;
Puis c’est son tour, tandis qu’il se porte à leur secours en brandissant ses armes.
post ipsum auxilio subeuntem ac tela ferentem
Ils le saisissent, le lient de nœuds énormes, et déjà
corripiunt, spirisque ligant ingentibus ; et iam
deux fois ils ont enlacé son torse, enserré deux fois son cou
bis medium amplexi, bis collo squamea circum
de leurs peaux écailleuses, dressant têtes et nuques au-dessus de lui.
terga dati, superant capite et ceruicibus altis.
[220] Il tente avec ses mains de rompre les nœuds,
220 Ille simul manibus tendit diuellere nodos,
il a ses bandelettes imprégnées de pus, de noir venin,
perfusus sanie uittas atroque ueneno,
et dans le même temps il fait monter vers les astres des cris épouvantables,
clamores simul horrendos ad sidera tollit :
comme le mugissement d’un taureau qui fuit l’autel, blessé,
quales mugitus, fugit cum saucius aram
après avoir secoué de sa nuque la hache maladroite.
taurus, et incertam excussit ceruice securim.
[225] Mais les dragons jumeaux, glissant vers la hauteur du sanctuaire,
225 At gemini lapsu delubra ad summa dracones
s’enfuient et gagnent la citadelle de la cruelle Tritonienne,
effugiunt saeuaeque petunt Tritonidis arcem,
puis se cachent aux pieds de la déesse, sous l’orbe de son bouclier.
sub pedibusque deae clipeique sub orbe teguntur.