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Virgile, Énéide I v. 520-560 | Les Troyens sont-ils bienvenus ?

samedi 9 février 2013, par Danielle Carlès

[520] Ils entrèrent et on leur donna la permission de parler devant tout le monde,

Alors Ilionée, le doyen, avec douceur commença ainsi :

« Ô Reine à qui Jupiter a accordé de fonder une ville nouvelle

Et de contenir, dans la justice, des peuples arrogants,

Troyens dans le malheur, charriés par les vents sur toutes les mers,

[525] Nous t’implorons : éloigne de nos navires un feu criminel !

Épargne un peuple pieux et regarde de plus près quelle situation est la nôtre.

Nous ne sommes pas venus l’épée à la main dévaster les Pénates Libyens,

Ni razzier un butin pour le ramener au rivage.

Cette violence ne nous ressemble pas et des vaincus n’ont pas tant d’arrogance.

[530] Il y a un pays, les Grecs lui donnent le nom d’Hespérie,

C’est une terre antique, puissante par ses armes et au sol abondant,

Les Œnotres l’ont habitée, mais maintenant on dit que les nouvelles générations

L’ont appelée Italie, d’après le nom de leur chef.

C’est là que nous allions,

[535] Quand soudain Orion s’est levé sur la mer, gonflé d’orages,

Et il nous a emmené sur des bas-fonds invisibles, sous des Austers éfrénés,

Parmi les vagues, à la merci de la mer, parmi des récifs impraticables

Il nous a totalement dispersés. Nous sommes quelques-uns à avoir abordé chez vous.

Mais quel genre d’homme y a-t-il ici ? Quelle patrie barbare autorise

[540] Une telle conduite ? On nous refuse l’hospitalité du rivage,

On appelle à la guerre et on nous interdit de mettre pied à terre !

Si vous méprisez le genre humain et les armes des mortels,

Ah, craignez que les dieux n’oublient pas ce qui est bien et ce qui est mal.

Nous avions un roi, Énée, et jamais personne ne fut plus juste

[545] Ni de plus grande piété, ni plus grand guerrier ou meilleur aux armes.

Si le destin préserve ce héros, s’il se nourrit de l’air

Éthéré et ne repose pas déjà sous les ombres cruelles,

Aucune crainte ! Tu n’auras pas à regretter d’être la première à rivaliser

De bienfaits avec lui. Nous avons aussi sur la terre de Sicile des villes

[550] Et des armes, et l’illustre Aceste, de sang Troyen.

Qu’on nous permette de tirer au sec notre flotte maltraitée par les vents,

De préparer dans la forêt le bois pour la consolider, de tailler des rames.

S’il nous est donné d’aller en Italie, nos compagnons et notre roi retrouvés,

Que nous partions heureux pour gagner l’Italie et le Latium !

[555] Mais s’il n’y a pas de salut et que tu es, père très bon des Troyens,

Pris par la mer de Libye, et qu’il ne reste plus l’espoir de Iule,

Du moins nous gagnerons le détroit de Sicile et les demeures déjà prêtes

D’où nous sommes partis pour arriver ici et nous irons trouver le roi Aceste. »

Telles furent les paroles d’Ilionée, accompagnées d’un murmure d’approbation unanime

[560] Des Dardanides.


Lecture avec le texte latin

[520] Ils entrèrent et on leur donna la permission de parler devant tout le monde,

520 Postquam introgressi et coram data copia fandi,

Alors Ilionée, le doyen, avec douceur commença ainsi :

axumus Ilioneus placido sic pectore coepit :

« Ô Reine à qui Jupiter a accordé de fonder une ville nouvelle

’O Regina, nouam cui condere Iuppiter urbem

Et de contenir, dans la justice, des peuples arrogants,

iustitiaque dedit gentis frenare superbas,

Troyens dans le malheur, charriés par les vents sur toutes les mers,

Troes te miseri, uentis maria omnia uecti,

[525] Nous t’implorons : éloigne de nos navires un feu criminel !

525 oramus, prohibe infandos a nauibus ignis,

Épargne un peuple pieux et regarde de plus près quelle situation est la nôtre.

parce pio generi, et propius res aspice nostras.

Nous ne sommes pas venus l’épée à la main dévaster les Pénates Libyens,

Non nos aut ferro Libycos populare Penatis

Ni razzier un butin pour le ramener au rivage.

uenimus, aut raptas ad litora uertere praedas ;

Cette violence ne nous ressemble pas et des vaincus n’ont pas tant d’arrogance.

non ea uis animo, nec tanta superbia uictis.

[530] Il y a un pays, les Grecs lui donnent le nom d’Hespérie,

530 Est locus, Hesperiam Grai cognomine dicunt,

C’est une terre antique, puissante par ses armes et au sol abondant,

terra antiqua, potens armis atque ubere glaebae ;

Les Œnotres l’ont habitée, mais maintenant on dit que les nouvelles générations

Oenotri coluere uiri ; nunc fama minores

L’ont appelée Italie, d’après le nom de leur chef.

Italiam dixisse ducis de nomine gentem.

C’est là que nous allions,

Hic cursus fuit :

[535] Quand soudain Orion s’est levé sur la mer, gonflé d’orages,

535 cum subito adsurgens fluctu nimbosus Orion

Et il nous a emmené sur des bas-fonds invisibles, sous des Austers éfrénés,

in uada caeca tulit, penitusque procacibus austris

Parmi les vagues, à la merci de la mer, parmi des récifs impraticables

perque undas, superante salo, perque inuia saxa

Il nous a totalement dispersés. Nous sommes quelques-uns à avoir abordé chez vous.

dispulit ; huc pauci uestris adnauimus oris.

Mais quel genre d’homme y a-t-il ici ? Quelle patrie barbare autorise

Quod genus hoc hominum ? Quaeue hunc tam barbara morem

[540] Une telle conduite ? On nous refuse l’hospitalité du rivage,

540 permittit patria ? Hospitio prohibemur harenae ;

On appelle à la guerre et on nous interdit de mettre pied à terre !

bella cient, primaque uetant consistere terra.

Si vous méprisez le genre humain et les armes des mortels,

Si genus humanum et mortalia temnitis arma

Ah, craignez que les dieux n’oublient pas ce qui est bien et ce qui est mal.

at sperate deos memores fandi atque nefandi.

Nous avions un roi, Énée, et jamais personne ne fut plus juste

’Rex erat Aeneas nobis, quo iustior alter,

[545] Ni de plus grande piété, ni plus grand guerrier ou meilleur aux armes.

545 nec pietate fuit, nec bello maior et armis.

Si le destin préserve ce héros, s’il se nourrit de l’air

Quem si fata uirum seruant, si uescitur aura

Éthéré et ne repose pas déjà sous les ombres cruelles,

aetheria, neque adhuc crudelibus occubat umbris,

Aucune crainte ! Tu n’auras pas à regretter d’être la première à rivaliser

non metus ; officio nec te certasse priorem

De bienfaits. Nous avons aussi sur la terre de Sicile des villes

poeniteat. Sunt et Siculis regionibus urbes

[550] Et des armes, et l’illustre Aceste, de sang Troyen.

550 armaque, Troianoque a sanguine clarus Acestes.

Qu’on nous permette de tirer au sec notre flotte maltraitée par les vents,

Quassatam uentis liceat subducere classem,

De préparer dans la forêt le bois pour la consolider, de tailler des rames.

et siluis aptare trabes et stringere remos :

S’il nous est donné d’aller en Italie, nos compagnons et notre roi retrouvés,

si datur Italiam, sociis et rege recepto,

Que nous partions heureux pour gagner l’Italie et le Latium !

tendere, ut Italiam laeti Latiumque petamus ;

[555] Mais s’il n’y a pas de salut et que tu es, père très bon des Troyens,

555 sin absumpta salus, et te, pater optume Teucrum,

Pris par la mer de Libye, et qu’il ne reste plus l’espoir de Iule,

pontus habet Libyae, nec spes iam restat Iuli,

Du moins nous gagnerons le détroit de Sicile et les demeures déjà prêtes

at freta Sicaniae saltem sedesque paratas,

D’où nous sommes partis pour arriver ici et nous irons trouver le roi Aceste. »

unde huc aduecti, regemque petamus Acesten.’

Telles furent les paroles d’Ilionée, accompagnées d’un murmure d’approbation unanime

Talibus Ilioneus ; cuncti simul ore fremebant

[560] Des Dardanides.

560 Dardanidae.

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