Accueil > Traductions > Latin > Virgile > Enéide > Enéide Livre I > Virgile, Énéide I v. 385-417 | La déesse se révèle
Virgile, Énéide I v. 385-417 | La déesse se révèle
lundi 21 janvier 2013, par
[385] Vénus ne supporta pas plus longtemps
D’entendre ses plaintes et interrompit un discours qui la touchait trop :
« Qui que tu sois, tu n’es pas si détesté, je pense, de ceux d’en-haut,
Puisque te voilà respirant l’air des vivants et prêt d’arriver dans une ville tyrienne.
Continue tout droit simplement et d’ici va jusqu’aux portes de la reine
[390] Car tes amis reviennent vers toi et ta flotte t’est rendue,
Oui, je te l’annonce, et elle a été poussée en lieu sûr par un revirement des Aquilons,
À moins que mes parents ne m’aient enseigné les augures en pure perte.
Observe le bonheur de ces cygnes formant une rangée de douze !
L’oiseau de Jupiter, glissant de la région éthérée, dans le ciel
[395] Découvert, troublait leur vol, mais maintenant en longue file
On les voit atterrir ou, s’ils ont déjà touché le sol, attendre.
De même qu’ils sont revenus et jouent dans le bruissement des ailes,
Et qu’il se sont rassemblés autour du ciel, et qu’ils ont fait entendre leur chant,
Ce n’est pas autrement que tes vaisseaux avec les jeunes gens de ton peuple
[400] Sont au port ou en gagnent l’entrée toutes voiles dehors.
Continue tout droit simplement, où te mène le chemin dirige tes pas. »
Ayant fini de parler elle se retourna et sa nuque rose se nimba de lumière,
Et du sommet de sa chevelure un divin parfum d’ambroisie
S’exhala, sa robe tomba jusqu’aux pieds
[405] Et en marchant se révéla la vraie nature de la déesse. Mais lui,
Dès qu’il eut reconnu sa mère, la suivit qui disparaissait en lui criant :
« Pourquoi si souvent, cruelle toi aussi, trompes-tu ton fils
Sous des apparences fausses ? Pourquoi ne m’est-t-il pas permis
De mettre ma main dans la tienne, d’entendre ta vraie voix et d’y répondre ? »
[410] Ainsi lui fait-il reproche, puis il dirige ses pas vers les remparts.
Mais Vénus entoura les marcheurs d’un air opaque,
La déesse les enveloppa d’un épais manteau de brouillard
Afin que personne ne pût les voir ou les toucher,
Ni leur causer du retard ou demander les motifs de leur présence.
[415] Elle-même s’en va à Paphos par les airs et elle revient chez elle
Avec plaisir, là où elle a son temple, où cent autels brûlent
De l’encens de Saba et exhalent le parfum des couronnes fraîchement tressées.
Lecture avec le texte latin
[385] Vénus ne supporta pas plus longtemps
385 (Europa atque Asia pulsus.’) Nec plura querentem
D’entendre ses plaintes et interrompit un discours qui la touchait trop :
passa Venus medio sic interfata dolore est :
« Qui que tu sois, tu n’es pas si détesté, je pense, de ceux d’en-haut,
’Quisquis es, haud, credo, inuisus caelestibus auras
Puisque te voilà respirant l’air des vivants et prêt d’arriver dans une ville Tyrienne.
uitalis carpis, Tyriam qui adueneris urbem.
Continue tout droit simplement et d’ici va jusqu’aux portes de la reine
Perge modo, atque hinc te reginae ad limina perfer,
[390] Car tes amis reviennent vers toi et ta flotte t’est rendue,
390 Namque tibi reduces socios classemque relatam
Oui, je te l’annonce, et elle a été poussée en lieu sûr par un revirement des Aquilons,
nuntio, et in tutum uersis aquilonibus actam,
À moins que mes parents ne m’aient enseigné les augures en pure perte.
ni frustra augurium uani docuere parentes.
Observe le bonheur de ces cygnes formant une rangée de douze !
Aspice bis senos laetantis agmine cycnos,
L’oiseau de Jupiter, glissant de la région éthérée, dans le ciel
aetheria quos lapsa plaga Iouis ales aperto
[395] Découvert troublait leur vol, mais maintenant en longue file
395 turbabat caelo ; nunc terras ordine longo
On les voit atterrir ou, s’ils ont déjà touché le sol, attendre.
aut capere, aut captas iam despectare uidentur :
De même qu’ils sont revenus et jouent dans le bruissement des ailes,
ut reduces illi ludunt stridentibus alis,
Et qu’il se sont rassemblés autour du ciel, et qu’ils ont fait entendre leur chant,
et coetu cinxere polum, cantusque dedere,
Ce n’est pas autrement que tes vaisseaux avec les jeunes gens de ton peuple
haud aliter puppesque tuae pubesque tuorum
[400] Sont au port ou en gagnent l’entrée toutes voiles dehors.
400 aut portum tenet aut pleno subit ostia uelo.
Continue tout droit simplement, où te mène le chemin dirige tes pas. »
Perge modo, et, qua te ducit uia, dirige gressum.’
Ayant fini de parler elle se retourna et sa nuque rose se nimba de lumière,
Dixit, et auertens rosea ceruice refulsit,
Et du sommet de sa chevelure un divin parfum d’ambroisie
ambrosiaeque comae diuinum uertice odorem
S’exhala, sa robe tomba jusqu’aux pieds
spirauere, pedes uestis defluxit ad imos,
[405] Et en marchant se révéla la vraie nature de la déesse. Mais lui,
405 et uera incessu patuit dea. Ille ubi matrem
Dès qu’il eut reconnu sa mère, la suivit qui disparaissait en lui criant :
adgnouit, tali fugientem est uoce secutus :
« Pourquoi si souvent, cruelle toi aussi, trompes-tu ton fils
’Quid natum totiens, crudelis tu quoque, falsis
Sous des apparences fausses ? Pourquoi ne m’est-t-il pas permis
ludis imaginibus ? Cur dextrae iungere dextram
De mettre ma main dans la tienne, d’entendre ta vraie voix et d’y répondre ? »
non datur, ac ueras audire et reddere uoces ?’
[410] Ainsi lui fait-il reproche, puis il dirige ses pas vers les remparts.
410 Talibus incusat, gressumque ad moenia tendit :
Mais Vénus entoura les marcheurs d’un air opaque,
at Venus obscuro gradientes aere saepsit,
La déesse les enveloppa d’un épais manteau de brouillard
et multo nebulae circum dea fudit amictu,
Afin que personne ne pût les voir ou les toucher,
cernere ne quis eos, neu quis contingere posset,
Ni leur causer du retard ou demander les motifs de leur présence.
moliriue moram, aut ueniendi poscere causas.
[415] Elle-même s’en va à Paphos par les airs et elle revient chez elle
415 Ipsa Paphum sublimis abit, sedesque reuisit
Avec plaisir, là où elle a son temple, où cent autels brûlent
laeta suas, ubi templum illi, centumque Sabaeo
De l’encens de Saba et exhalent le parfum des couronnes fraîchement tressées.
ture calent arae, sertisque recentibus halant.