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Virgile, Énéide IV v. 189-218 | Iarbas, fils de Hammon

mercredi 26 février 2014, par Danielle Carlès

Et là, elle rassasiait les peuples de mille propos variés,

[190] toute réjouie, et chantait sur le même ton le vrai et le faux :

qu’il était arrivé Énée, de sang troyen pour sa naissance,

que la belle Didon avait bien voulu s’unir à lui comme époux,

qu’à présent ils passaient l’hiver dans la débauche, à se dorloter l’un l’autre, et ça n’en finissait pas,

oublieux de leurs royaumes, prisonniers d’une passion scandaleuse.

[195] Ainsi un peu partout la déesse diffuse sa laideur dans les bouches des hommes.

Continuant d’avancer, sa course finit par la conduire jusqu’au roi Iarbas,

dont elle enflamme le cœur avec ses mots, en qui elle accumule des couches de colères.

Il est un fils de Hammon, qui avait enlevé une nymphe des Garamantes.

En l’honneur de Jupiter cent gigantesques temples répartis dans tout son royaume,

[200] cent autels il a érigés, et consacré pour lui un feu brûlant sans trêve,

une veille des dieux perpétuelle, et le sang du bétail

y engraisse le sol, les seuils sont fleuris de guirlandes chamarrées.

Cet homme, perdant l’esprit et exaspéré par le fiel de la rumeur,

on dit que, devant l’autel au milieu des présences divines,

[205] il fit à Jupiter une grande prière, suppliant, mains tournées vers le ciel :

« Jupiter tout-puissant, à qui aujourd’hui le peuple Maure

après un repas pris sur des lits brodés offre en libation le don de Lénaeus,

vois-tu ce qui se passe ? À moins que, père, quand tu brandis la foudre,

est-elle pour rien notre épouvante ? sont-ils aveugles les feux dans les nuages

[210] qui terrifient nos âmes, vains les grondements qui les agitent ?

Cette femme, arrivée chez nous errante, qui a érigé sur notre territoire une ville

insignifiante contre de l’or, à qui j’ai donné un coin du rivage à labourer,

à qui j’ai donné le droit sur sa terre, le mariage, à moi,

elle l’a refusé ! mais elle a bien voulu d’Énée pour maître dans son royaume.

[215] Et maintenant ce beau Pâris entouré de sa bande d’eunuques,

menton et cheveux parfumés sous la mitre méonienne

bien nouée, jouit de sa conquête. C’est parce que moi, je t’apporte aux temples

des cadeaux, c’est ça, et que je prends soin de ta renommée vide de sens ! »


Lecture avec le texte latin

Et là, elle rassasiait les peuples de mille propos variés,

Haec tum multiplici populos sermone replebat

[190] toute réjouie, et chantait sur le même ton le vrai et le faux :

190 gaudens, et pariter facta atque infecta canebat :

qu’il était arrivé Énée, de sang troyen pour sa naissance,

uenisse Aenean, Troiano sanguine cretum,

que la belle Didon avait bien voulu s’unir à lui comme époux,

cui se pulchra uiro dignetur iungere Dido ;

qu’à présent ils passaient l’hiver dans la débauche, à se dorloter l’un l’autre, et ça n’en finissait pas,

nunc hiemem inter se luxu, quam longa, fouere

oublieux de leurs royaumes, prisonniers d’une passion scandaleuse.

regnorum immemores turpique cupidine captos.

[195] Ainsi un peu partout la déesse diffuse sa laideur dans les bouches des hommes.

195 Haec passim dea foeda uirum diffundit in ora.

Continuant d’avancer, sa course finit par la conduire jusqu’au roi Iarbas,

Protinus ad regem cursus detorquet Iarban,

dont elle enflamme le cœur avec ses mots, en qui elle accumule des couches de colères.

incenditque animum dictis atque aggerat iras.

Il est un fils de Hammon, qui avait enlevé une nymphe des Garamantes.

Hic Hammone satus, rapta Garamantide Nympha,

En l’honneur de Jupiter cent gigantesques temples répartis dans tout son royaume,

templa Ioui centum latis immania regnis,

[200] cent autels il a érigés, et consacré pour lui un feu brûlant sans trêve,

200 centum aras posuit, uigilemque sacrauerat ignem,

une veille des dieux perpétuelle, et le sang du bétail

excubias diuom aeternas, pecudumque cruore

y engraisse le sol, les seuils sont fleuris de guirlandes chamarrées.

pingue solum et uariis florentia limina sertis.

Cet homme, perdant l’esprit et exaspéré par le fiel de la rumeur,

Isque amens animi et rumore accensus amaro

on dit que, devant l’autel au milieu des présences divines,

dicitur ante aras media inter numina diuom

[205] il fit à Jupiter une grande prière, suppliant, mains tournées vers le ciel :

205 multa Iouem manibus supplex orasse supinis :

« Jupiter tout-puissant, à qui aujourd’hui le peuple Maure

"Iuppiter omnipotens, cui nunc Maurusia pictis

après un repas pris sur des lits brodés offre en libation le don de Lénaeus,

gens epulata toris Lenaeum libat honorem,

vois-tu ce qui se passe ? À moins que, père, quand tu brandis la foudre,

aspicis haec, an te, genitor, cum fulmina torques,

est-elle pour rien notre épouvante ? sont-ils aveugles les feux dans les nuages

nequiquam horremus, caecique in nubibus ignes

[210] qui terrifient nos âmes, vains les grondements qui les agitent ?

210 terrificant animos et inania murmura miscent ?

Cette femme, arrivée chez nous errante, qui a érigé sur notre territoire une ville

Femina, quae nostris errans in finibus urbem

insignifiante contre de l’or, à qui j’ai donné un coin du rivage à labourer,

exiguam pretio posuit, cui litus arandum

à qui j’ai donné le droit sur sa terre, le mariage, à moi,

cuique loci leges dedimus, conubia nostra

elle l’a refusé ! mais elle a bien voulu d’Énée pour maître dans son royaume.

reppulit, ac dominum Aenean in regna recepit.

[215] Et maintenant ce beau Pâris entouré de sa bande d’eunuques,

215 Et nunc ille Paris cum semiuiro comitatu,

menton et cheveux parfumés sous la mitre méonienne

Maeonia mentum mitra crinemque madentem

bien nouée, jouit de sa conquête. C’est parce que moi, je t’apporte aux temples

subnexus, rapto potitur : nos munera templis

des cadeaux, c’est ça, et que je prends soin de ta renommée vide de sens ! »

quippe tuis ferimus, famamque fouemus inanem."

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