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Horace, Odes III 27 | Europe
jeudi 15 août 2013, par
Les impies, que le chant répété de l’orfraie soit un signequi les guide et une chienne pleine ou, déboulantdu pays de Lanuvium, une louve fauve, ou unerenarde qui met bas,et qu’un serpent puisse annuler leur projet de voyage,si venant couper la route comme une flècheil a effrayé les chevaux ! Moi, quelqu’un pour qui je m’inquiète,augure circonspect,avant que ne regagne ses marais d’eaux stagnantesl’oiseau annonciateur des orages imminents [1],ma prière suscitera la voix prophétique du corbeaudu côté où le soleil se lève.Sois heureuse, tu le peux, quel que soit le lieu de ton choix,et vis, Galatée, sans jamais oublier de penser à moi !Qu’un pivert de malheur ne t‘interdise pas de partirni une corneille indécise.Mais vois-tu le grand tumulte qui agite de tremblementsOrion à son déclin ? Je sais moi ce qu’il en est du sombregolfe de l’Adriatique et que la calme blancheurde l’Iapyx a ses défaillances.Que nos ennemis, leurs épouses et leurs enfants, éprouventles aveugles turbulences de l’Auster qui se lève,le mugissement des eaux noires et les convulsionsdes rives fustigées !C’est ainsi qu’Europe, pure comme la neige, au captieuxtaureau confia son corps, c’est ainsi que face au pullulementdes bêtes de la mer et aux périls qui l’entouraient elle se mità pâlir d’avoir osé le faire.Juste avant dans les prés, appliquée à ses fleurs,experte elle façonnait une couronne vouée aux Nymphes,mais par cette nuit faiblement éclairée elle ne vit rien queles étoiles et les vagues.Et dès qu’elle eut touché la puissante Crèteaux cent villes : « Père, oh ! perdu, dit-elle,abandonné est le nom de ta fille et sa piétévaincue par la fureur !D’où suis-je partie ! Où suis-je arrivée ! Légère est une seule mortpour les vierges coupables ! Suis-je éveillée pleurantune honteuse faute ou, nette et sans tache,le jouet d’un fantômesans consistance échappé par la porte d’ivoirequi traîne un rêve derrière lui ? Était-il préférable de partirau loin sur les flots plutôt que de cueillirdes fleurs nouvelles ?Si cet infâme, si ce taureau maintenanton le livrait à ma colère, je le mutilerais au fer etde toutes mes forces – je l’aimais tant tout à l’heure – je briseraisles cornes du monstre !Contre toute pudeur, j’ai laissé les Pénates de mon père,contre toute pudeur, je fais attendre Orcus. Ô dieux,si l’un de vous, celui qui m’entend, pouvait m’égarernue au milieu des lions !Avant que la laideur émaciée envahisse mes bellesjoues et que coule hors de moi la sèved’une proie délicate, je voudrais de mes appasaller nourrir des tigres.Europe, fille de rien, ton père te presse, même absent.Pourquoi tardes-tu à mourir ? Tu peux à ce frênete pendre avec ta ceinture restée par chance avec toiet te briser le cou.Ou bien il y a la falaise et les rochers aigus.Si cette mort te plaît, allons, à une bourrasquerapide confie-toi ! À moins que tu ne préfèresfiler la laine d’un maître,toi princesse royale, et être livrée à une épouse favorite,une Barbare, dont tu seras la rivale. » Assistant à ses lamentationsavec un sourire insidieux, Vénus était là et son fils,l’arc débandé.Au bout d’un moment, quand elle eut assez rit : « Abstiens-toide toute colère, dit-elle, de toute contestation témérairequand ce taureau haï reviendra t’offrirses cornes à mutiler.Tu ne le sais pas, mais tu es l’épouse de Jupiter invincible.Arrête de sangloter ! Apprends à supporter de bon cœurta grande fortune. Une partie de la terreprendra ton nom. »
Lecture avec le texte latin
Les impies, que le chant répété de l’orfraie soit un signe
qui les guide et une chienne pleine ou, déboulant
du pays de Lanuvium, une louve fauve, ou une
renarde qui met bas,
[3,27,1] Impios parrae recinentis omen
ducat et praegnans canis aut ab agro
raua decurrens lupa Lanuuino
fetaque uolpes ;
et qu’un serpent puisse annuler leur projet de voyage,
si venant couper la route comme une flèche
il a effrayé les chevaux ! Moi, quelqu’un pour qui je m’inquiète,
augure circonspect,
[3,27,5] rumpat et serpens iter institutum,
si per obliquom similis sagittae
terruit mannos : ego cui timebo
prouidus auspex,
avant que ne regagne ses marais d’eaux stagnantes
l’oiseau annonciateur des orages imminents,
ma prière suscitera la voix prophétique du corbeau
du côté où le soleil se lève.
antequam stantis repetat paludes
[3,27,10] imbrium diuina auis inminentum,
oscinem coruum prece suscitabo
solis ab ortu.
Sois heureuse, tu le peux, quel que soit le lieu de ton choix,
et vis, Galatée, sans jamais oublier de penser à moi !
Qu’un pivert de malheur ne t‘interdise pas de partir
ni une corneille indécise.
Sis licet felix, ubicumque mauis,
et memor nostri, Galatea, uiuas,
[3,27,15] teque nec laeuus uetet ire picus
nec uaga cornix.
Mais vois-tu le grand tumulte qui agite de tremblements
Orion à son déclin ? Je sais moi ce qu’il en est du sombre
golfe de l’Adriatique et que la calme blancheur
de l’Iapyx a ses défaillances.
Sed uides quanto trepidet tumultu
pronus Orion ? Ego quid sit ater
Hadriae noui sinus et quid albus
[3,27,20] peccet Iapyx.
Que nos ennemis, leurs épouses et leurs enfants, éprouvent
les aveugles turbulences de l’Auster qui se lève,
le mugissement des eaux noires et les convulsions
des rives fustigées !
Hostium uxores puerique caecos
sentiant motus orientis Austri et
aequoris nigri fremitum et trementis
uerbere ripas.
C’est ainsi qu’Europe, pure comme la neige, au captieux
taureau confia son corps, c’est ainsi que face au pullulement
des bêtes de la mer et aux périls qui l’entouraient elle se mit
à pâlir d’avoir osé le faire.
[3,27,25] Sic et Europe niueum doloso
credidit tauro latus et scatentem
beluis pontum mediasque fraudes
palluit audax.
Juste avant dans les prés, appliquée à ses fleurs,
experte elle façonnait une couronne vouée aux Nymphes,
mais par cette nuit faiblement éclairée elle ne vit rien que
les étoiles et les vagues.
Nuper in pratis studiosa florum et
[3,27,30] debitae Nymphis opifex coronae
nocte sublustri nihil astra praeter
uidit et undas.
Et dès qu’elle eut touché la puissante Crète
aux cent villes : « Père, oh ! perdu, dit-elle,
abandonné est le nom de ta fille et sa piété
vaincue par la fureur !
Quae simul centum tetigit potentem
oppidis Creten : ’Pater, o relictum
[3,27,35] filiae nomen pietasque’ dixit
’uicta furore !
D’où suis-je partie ! Où suis-je arrivée ! Légère est une seule mort
pour les vierges coupables ! Suis-je éveillée pleurant
une honteuse faute ou bien nette et sans tache
le jouet d’un fantôme
Vnde quo ueni ? Leuis una mors est
uirginum culpae. Vigilansne ploro
turpe commissum an uitiis carentem
[3,27,40] ludit imago
sans consistance échappé par la porte d’ivoire
qui traîne un rêve derrière lui ? Était-il préférable de partir
au loin sur les flots plutôt que de cueillir
des fleurs nouvelles ?
uana quae porta fugiens eburna
somnium ducit ? Meliusne fluctus
ire per longos fuit an recentis
carpere flores ?
Si cet infâme, si ce taureau maintenant
on le livrait à ma colère, je le mutilerais au fer et
de toutes mes forces – je l’aimais tant tout à l’heure – je briserais
les cornes du monstre !
[3,27,45] Si quis infamen mihi nunc iuuencum
dedat iratae, lacerare ferro et
frangere enitar modo multum amati
cornua monstri.
Contre toute pudeur, j’ai laissé les Pénates de mon père,
contre toute pudeur, je fais attendre Orcus. Ô dieux,
si l’un de vous, celui qui m’entend, pouvait m’égarer
nue au milieu des lions !
Impudens liqui patrios Penates,
[3,27,50] impudens Orcum moror. O deorum
si quis haec audis, utinam inter errem
nuda leones.
Avant que la laideur émaciée envahisse mes belles
joues et que coule hors de moi la sève
d’une proie délicate, je voudrais de mes appas
aller nourrir des tigres.
Antequam turpis macies decentis
occupet malas teneraeque sucus
[3,27,55] defluat praedae, speciosa quaero
pascere tigris.
Europe, fille de rien, ton père te presse, même absent.
Pourquoi tardes-tu à mourir ? Tu peux à ce frêne
te pendre avec ta ceinture restée par chance avec toi
et te briser le cou.
Vilis Europe, pater urget absens :
quid mori cessas ? Potes hac ab orno
pendulum zona bene te secuta
[3,27,60] laedere collum.
Ou bien il y a la falaise et les rochers aigus.
Si cette mort te plaît, allons, à une bourrasque
rapide confie-toi, à moins que tu ne préfères
filer la laine d’un maître,
Siue te rupes et acuta leto
saxa delectant, age te procellae
crede ueloci, nisi erile mauis
carpere pensum
toi princesse royale, et être livrée à une épouse favorite,
une Barbare, dont tu seras la rivale. » Assistant à ses lamentations
avec un sourire insidieux, Vénus était là et son fils,
l’arc débandé.
[3,27,65] regius sanguis dominaeque tradi
barbarae paelex.’ Aderat querenti
perfidum ridens Venus et remisso
filius arcu.
Au bout d’un moment, quand elle eut assez rit : « Abstiens-toi
de toute colère, dit-elle, de toute contestation téméraire
quand ce taureau haï reviendra t’offrir
ses cornes à mutiler.
Mox, ubi lusit satis : ’Abstineto’
[3,27,70] dixit ’irarum calidaeque rixae,
cum tibi inuisus laceranda reddet
cornua taurus.
Tu ne le sais pas, mais tu es l’épouse de Jupiter invincible.
Arrête de sangloter ! Apprends à supporter de bon cœur
ta grande fortune. Une partie de la terre
prendra ton nom. »
Vxor inuicti Iouis esse nescis.
Mitte singultus, bene ferre magnam
[3,27,75] disce fortunam ; tua sectus orbis
nomina ducet’.
Voir en ligne : Une lecture de Horace, Ode III 27 | Europe
À Isabelle Jouteur, qui m’a fait le plaisir et l’honneur de me questionner sur cette ode et son interprétation.
[1] Il s’agit, nous dit-on, de la corneille.
Messages
1. Horace, Odes III 27 | Europe, 15 août 2013, 18:38, par Isabelle
Merci pour cette magnifique traduction.
Europe a-t-elle eu raison de prendre ce taureau par les cornes ? J’attends avec impatience ton commentaire...
Quant à moi, comme dirait Térence, in portu navigo....Et quel bonheur !