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Virgile, Énéide II v. 336-369 | Se battre jusqu’à la mort
lundi 29 avril 2013, par
Le récit du fils d’Othrys et la volonté des dieux
me poussent à aller au devant des flammes et des armes, où la funeste Érinys,
où le fracas m’appelle, et la clameur qui s’élève au ciel éthéré.
Se mettent de la partie Rhipée et un très puissant guerrier,
[340] Épytus, surgis dans le clair de lune, Hypanis et Dymas
se rangent à nos côtés, ainsi que le jeune Corèbe
fils de Mygdon. Il était justement venu à Troie en ces jours-là,
enflammé d’amour fou pour Cassandre,
et c’est comme gendre qu’il apportait son aide à Priam et aux Phrygiens,
[345] l’infortuné, qui aux mises en garde de sa fiancée exaltée
resta sourd.
Quand j’ai vu la hardiesse de leur bataillon serré, leur envie de monter au combat,
j’y rajoute ces mots : « Jeunes gens, votre très grand courage n’y changera rien.
Si votre ferme désir est de suivre quelqu’un décidé à aller
[350] jusqu’au bout, regardez en face ce que nous réserve la Fortune :
ils sont tous partis, sanctuaires et autels sont abandonnés,
tous, les dieux qui faisaient tenir debout notre royaume. Vous courez au secours d’une ville
incendiée. Allons mourir, allons nous jeter dans la mêlée des armes !
Il n’y a qu’un salut pour les vaincus, n’espérer aucun salut. »
[355] et la fureur s’accroît dans le cœur des jeunes guerriers. Puis, comme des loups
ravisseurs dans les noires ténèbres, que pousse aveuglément la rage
inassouvie de leurs entrailles et que leurs petits laissés à la tanière
attendent, la gorge sèche, à travers les armes qui volent, à travers les ennemis,
nous allons à la mort qui ne fait aucun doute, empruntant le chemin qui mène
[360] au centre de la ville. La nuit noire nous cerne en voltigeant d’une ombre inconsistante.
Qui saurait déployer des mots sur le désastre de cette nuit-là et sur ses morts,
qui pourrait verser des larmes à la hauteur de nos souffrances ?
Une ville très ancienne s’écroule après avoir dominé pendant de nombreuses années.
Dans les rues partout on abat sans rencontrer de résistance un nombre infini
[365] de corps, dans les maisons et sur les seuils vénérables
des dieux. Et les Troyens ne sont pas seuls à verser leur sang,
par moment le courage revient même aux cœurs des vaincus
et les vainqueurs tombent, les Danaens. Partout la cruauté
du deuil, partout la peur et l’image multipliée de la mort.
Lecture avec le texte latin
Le récit du fils d’Othrys et la volonté des dieux
Talibus Othryadae dictis et numine diuom
me poussent à aller au devant des flammes et des armes, où la funeste Érinys,
in flammas et in arma feror, quo tristis Erinys,
où le fracas m’appelle, et la clameur qui s’élève au ciel éthéré.
quo fremitus uocat et sublatus ad aethera clamor.
Se mettent de la partie Rhipée et un très puissant guerrier,
Addunt se socios Rhipeus et maximus armis
[340] Épytus, surgis dans le clair de lune, Hypanis et Dymas
340 Epytus oblati per lunam Hypanisque Dymasque,
se rangent à nos côtés, ainsi que le jeune Corèbe
et lateri adglomerant nostro, iuuenisque Coroebus,
fils de Mygdon. Il était justement venu à Troie en ces jours-là,
Mygdonides : illis ad Troiam forte diebus
enflammé d’amour fou pour Cassandre,
uenerat, insano Cassandrae incensus amore,
et c’est comme gendre qu’il apportait son aide à Priam et aux Phrygiens,
et gener auxilium Priamo Phrygibusque ferebat,
[345] l’infortuné, qui aux mises en garde de sa fiancée exaltée
345 infelix, qui non sponsae praecepta furentis
resta sourd.
audierit.
Quand j’ai vu la hardiesse de leur bataillon serré, leur envie de monter au combat,
Quos ubi confertos audere in proelia uidi,
j’y rajoute ces mots : « Jeunes gens, votre très grand courage n’y changera rien.
incipio super his : ’Iuuenes, fortissima frustra
Si votre ferme désir est de suivre quelqu’un décidé à aller
pectora, si uobis audentem extrema cupido
[350] jusqu’au bout, regardez en face ce que nous réserve la Fortune :
350 certa sequi, quae sit rebus fortuna uidetis :
ils sont tous partis, sanctuaires et autels sont abandonnés,
excessere omnes, adytis arisque relictis,
tous, les dieux qui faisaient tenir debout notre royaume. Vous courez au secours d’une ville
di, quibus imperium hoc steterat ; succurritis urbi
incendiée. Allons mourir, allons nous jeter dans la mêlée des armes !
incensae ; moriamur et in media arma ruamus.
Il n’y a qu’un salut pour les vaincus, n’espérer aucun salut. »
Una salus uictis, nullam sperare salutem.’
[355] et la fureur s’accroît dans le cœur des jeunes guerriers. Puis, comme des loups
355 Sic animis iuuenum furor additus : inde, lupi ceu
ravisseurs dans les noires ténèbres, que pousse aveuglément la rage
raptores atra in nebula, quos improba uentris
inassouvie de leurs entrailles et que leurs petits laissés à la tanière
exegit caecos rabies, catulique relicti
attendent, la gorge sèche, à travers les armes qui volent, à travers les ennemis,
faucibus exspectant siccis, per tela, per hostis
nous allons à la mort qui ne fait aucun doute, empruntant le chemin qui mène
uadimus haud dubiam in mortem, mediaeque tenemus
[360] au centre de la ville. La nuit noire nous cerne en voltigeant d’une ombre inconsistante.
360 urbis iter ; nox atra caua circumuolat umbra.
Qui saurait déployer des mots sur le désastre de cette nuit-là et sur ses morts,
Quis cladem illius noctis, quis funera fando
qui pourrait verser des larmes à la hauteur de nos souffrances ?
explicet, aut possit lacrimis aequare labores ?
Une ville très ancienne s’écroule après avoir dominé pendant de nombreuses années.
Urbs antiqua ruit, multos dominata per annos ;
Dans les rues partout on abat sans rencontrer de résistance un nombre infini
plurima perque uias sternuntur inertia passim
[365] de corps, dans les maisons et sur les seuils vénérables
365 corpora, perque domos et religiosa deorum
des dieux. Et les Troyens ne sont pas seuls à verser leur sang,
limina. Nec soli poenas dant sanguine Teucri ;
par moment le courage revient même aux cœurs des vaincus
quondam etiam uictis redit in praecordia uirtus
et les vainqueurs tombent, les Danaens. Partout la cruauté
uictoresque cadunt Danai : crudelis ubique
du deuil, partout la peur et l’image multipliée de la mort.
luctus, ubique pauor, et plurima mortis imago.