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Horace, Épodes 5 | L’enfant et les sorcières
mercredi 25 juillet 2012, par
mais ô dieux au nom de ce qui régente depuis le
ciel la terre et le genre humain
que signifie ce vilain tumulte ces visages tous
méchants tous fixés sur moi seul
par tes enfants si tu appelas Lucine pour venir
en aide à des enfantements réels
par ce vain ornement de pourpre je t’en supplie
par Jupiter qui le désapprouvera
pourquoi me regardes-tu de ce regard de marâtre
ou de bête féroce touchée du fer
voix tremblante cessant de se plaindre l’enfant
se tint là immobile dépouillé de
ses insignes corps lisse qui aurait pu radoucir
oui les cœurs impies des Thraces
alors Canidia les cheveux entrelacés de petites
vipères tête décoiffée malpropre
ordonne les figuiers sauvages pris aux tombeaux
ordonne les cyprès sépulcraux et
les œufs frottés du sang d’un répugnant crapaud
et la plume d’une strige de nuit
et les herbes venues depuis Iolcos et l’Hibérie
riche en poisons et les os volés
à la gueule d’une chienne famélique qu’on brûle
tout sur les flammes de Colchide
mais Sagana lestement va partout dans la maison
l’arrosant des eaux de l’Arverne
hérissée cheveux dressés comme un oursin de mer
ou comme un sanglier à la charge
aucun remord ne détournait Véia de creuser dans
le sol à la dure bêche gémissant
sous l’effort une fosse à la taille de l’enfant
pour qu’il meure enterré face au
spectacle d’un festin changé deux ou trois fois
au cours d’une longue journée le
visage dégagé du sol comme un nageur qui flotte
sur l’eau en dépassant du menton
ceci afin de lui prélever sa moelle et son foie
desséché pour un philtre d’amour
une fois que se seraient éteintes ses prunelles
rivées sur les aliments défendus
que Folia venue d’Ariminum ne manquait pas à l’
appel femme aux désirs masculins
on le disait on le croyait dans l’oisive Naples
et la moindre ville voisine elle
par des incantations thessaliennes elle arrache
du ciel les étoiles avec la lune
là rongeant furieusement de sa dent noirâtre l’
ongle jamais taillé de son pouce
Canidia qu’a-t-elle dit qu’a-t-elle tu ô de mes
besognes ponctuelles médiatrices
ô Nuit ô Diane régnant sur le silence à l’heure
où s’exécutent les rites secrets
maintenant maintenant avec moi maintenant jetez
votre colère votre divin pouvoir
sur les maisons de mes ennemis c’est l’heure où
cachées dans l’effroi des forêts
les bêtes sauvages s’alanguissent par influence
d’une douce torpeur alors sur ce
vieillard adultère et que tout le monde soit là
pour en rire que les chiennes de
Subure aboient sur lui couvert du meilleur nard
jamais confectionné de mes mains
qu’y a-t-il pourquoi les philtres de la barbare
Médée n’agissent-ils pas qui lui
permirent de fuir vengée de sa rivale arrogante
la fille du grand Créon quand le
manteau cadeau tout imprégné de pus eut emporté
dans les flammes la jeune épouse
pourtant il ne m’a pas échappé une herbe ni une
racine enfouie dans un lieu âpre
le lit sur lequel il dort a bien été frictionné
de l’oubli de toutes mes rivales
ah ah il marche délivré par l’incantation d’une
magicienne d’un savoir supérieur
non Varus des potions ordinaires ô tête vouée à
des flots de larmes ne te feront
pas recourir vers moi ton âme invoquée avec les
mots des Marses ne reviendra pas
je vais durcir mes moyens à toi qui me méprises
je verserai une potion plus dure
et le ciel prendra place au dessous la mer avec
la terre étendue au dessus avant
que tu finisses de brûler de mon amour comme le
bitume brûlant de flammes noires
là l’enfant non plus comme auparavant en douces
paroles pour apitoyer les impies
mais sans bien savoir comment sortir du silence
éclata en imprécations dignes de
Thyeste les poisons n’ont pas de pouvoir sur le
bien et le mal ils ne changeront
pas la puissante loi ni le juste retour du sort
pour les hommes mes malédictions
vous poursuivront une malédiction solennelle ne
peut s’expier par aucune victime
mais par vous mis à mort lorsque j’aurai expiré
la nuit je viendrai à vous Furie
ombre les ongles crochus j’attaquerai au visage
c’est le pouvoir des dieux Mânes
et assis sur vos cœurs angoissés j’en ôterai le
sommeil par l’épouvante dans les
rues d’ici et de là la foule à coups de pierres
vous assommera immondes vieilles
puis loups et oiseaux de l’Esquilin dissiperont
vos membres sans sépulture et ce
spectacle-là mes parents hélas survivants après
moi ne manqueront pas de le voir
Lecture avec le texte latin
mais ô dieux au nom de ce qui régente depuis le
at o deorum quicquid in cælo regit
ciel la terre et le genre humain
terras et humanum genus
que signifie ce vilain tumulte ces visages tous
quid iste fert tumultus ? et quid omnium
méchants tous fixés sur moi seul
uoltus in unum me truces ?
par tes enfants si tu appelas Lucine pour venir
per liberos te si uocata partubus 5
en aide à des enfantements réels
Lucina ueris adfuit
par ce vain ornement de pourpre je t’en supplie
per hoc inane purpuræ decus precor
par Jupiter qui le désapprouvera
per improbaturum hæc Iouem
pourquoi me regardes-tu de ce regard de marâtre
quid ut nouerca me intueris aut uti
ou de bête féroce touchée du fer
petita ferro belua ? 10
voix tremblante cessant de se plaindre l’enfant
ut hæc trementi questus ore constitit
se tint là immobile dépouillé de
insignibus raptis puer
ses insignes [1] corps lisse qui aurait pu radoucir
inpube corpus quale posset impia
oui les cœurs impies des Thraces
mollire Thracum pectora
alors Canidia les cheveux entrelacés de petites
Canidia breuibus inplicata uiperis 15
vipères tête décoiffée malpropre
crines et incomptum caput
ordonne les figuiers sauvages pris aux tombeaux
iubet sepulcris caprificos erutas
ordonne les cyprès sépulcraux et
iubet cupressos funebris
les œufs frottés du sang d’un répugnant crapaud
et uncta turpis oua ranæ sanguine
et la plume d’une strige de nuit
plumamque nocturnæ strigis 20
et les herbes venues depuis Iolcos et l’Hibérie
herbasque quas Iolcos atque Hiberia
riche en poisons et les os volés
mittit uenenorum ferax
à la gueule d’une chienne famélique qu’on brûle
et ossa ab ore rapta ieiunæ canis
tout sur les flammes de Colchide
flammis aduri Colchidis.
mais Sagana lestement va partout dans la maison
at expedita Sagana per totam domum 25
l’arrosant des eaux de l’Arverne
spargens Auernalis aquas
hérissée cheveux dressés comme un oursin de mer
horret capillis ut marinus asperis
ou comme un sanglier à la charge
echinus aut currens aper.
aucun remord ne détournait Véia de creuser dans
abacta nulla Veia conscientia
le sol à la dure bêche gémissant
ligonibus duris humum 30
sous l’effort une fosse à la taille de l’enfant
exhauriebat ingemens laboribus
pour qu’il meure enterré face au
quo posset infossus puer
spectacle d’un festin changé deux ou trois fois
longo die bis terque mutatæ dapis
au cours d’une longue journée le
inemori spectaculo
visage dégagé du sol comme un nageur qui flotte
cum promineret ore quantum extant aqua 35
sur l’eau en dépassant du menton
suspensa mento corpora
ceci afin de lui prélever sa moelle et son foie
exsecta uti medulla et aridum iecur
desséché pour un philtre d’amour
amoris esset poculum
une fois que se seraient éteintes ses prunelles
interminato cum semel fixæ cibo
rivées sur les aliments défendus
intabuissent pupulæ. 40
que Folia venue d’Ariminum ne manquait pas à l’
non defuisse masculæ libidinis
appel femme aux désirs masculins
Ariminensem Foliam
on le disait on le croyait dans l’oisive Naples
et otiosa credidit Neapolis
et la moindre ville voisine elle
et omne uicinum oppidum
par des incantations thessaliennes elle arrache
quæ sidera excantata uoce Thessala 45
du ciel les étoiles avec la lune
lunamque cælo deripit.
là rongeant furieusement de sa dent noirâtre l’
hic inresectum sæua dente liuido
ongle jamais taillé de son pouce
Canidia rodens pollicem
Canidia qu’a-t-elle dit qu’a-t-elle tu ô de mes
quid dixit aut quid tacuit ? O rebus meis
besognes ponctuelles médiatrices
non infideles arbitræ 50
ô Nuit ô Diane régnant sur le silence à l’heure
Nox et Diana quæ silentium regis
où s’exécutent les rites secrets
arcana cum fiunt sacra
maintenant maintenant avec moi maintenant jetez
nunc nunc adeste nunc in hostilis domos
votre colère votre divin pouvoir
iram atque numen uertite
sur les maisons de mes ennemis c’est l’heure où
cachées dans l’effroi des forêts
les bêtes sauvages s’alanguissent par influence
formidulosis cum latent siluis feræ 55
d’une douce torpeur alors sur ce
dulci sopore languidæ
vieillard adultère et que tout le monde soit là
senem quod omnes rideant adulterum
pour en rire que les chiennes de
latrent Suburanæ canes
Subure aboient sur lui couvert du meilleur nard
nardo perunctum quale non perfectius
jamais confectionné de mes mains
meæ laborarunt manus. 60
qu’y a-t-il pourquoi les philtres de la barbare
quid accidit ? cur dira barbaræ minus
Médée n’agissent-ils pas qui lui
uenena Medeæ ualent
permirent de fuir vengée de sa rivale arrogante
quibus superbam fugit ulta pælicem
la fille du grand Créon quand le
magni Creontis filiam
manteau cadeau tout imprégné de pus eut emporté
cum palla tabo munus inbutum nouam 65
dans les flammes la jeune épouse
incendio nuptam abstulit ?
pourtant il ne m’a pas échappé une herbe ni une
atqui nec herba nec latens in asperis
racine enfouie dans un lieu âpre
radix fefellit me locis
le lit sur lequel il dort a bien été frictionné
indormit unctis omnium cubilibus
de l’oubli de toutes mes rivales
obliuione pælicum. 70
ah ah il marche délivré par l’incantation d’une
a a solutus ambulat ueneficæ
magicienne d’un savoir supérieur
scientioris carmine.
non Varus des potions ordinaires ô tête vouée à
non usitatis, Varus, potionibus
des flots de larmes ne te feront
o multa fleturum caput
pas recourir vers moi ton âme invoquée avec les
ad me recurres nec uocata mens tua 75
mots des Marses ne reviendra pas
Marsis redibit uocibus
je vais durcir mes moyens à toi qui me méprises
maius parabo maius infundam tibi
je verserai une potion plus dure
fastidienti poculum
et le ciel prendra place au dessous la mer avec
priusque cælum sidet inferius mari
la terre étendue au dessus avant
tellure porrecta super 80
que tu finisses de brûler de mon amour comme le
quam non amore sic meo flagres uti
bitume brûlant de flammes noires
bitumen atris ignibus
là l’enfant non plus comme auparavant en douces
sub hæc puer iam non ut ante mollibus
paroles pour apitoyer les impies
lenire uerbis impias
mais sans bien savoir comment sortir du silence
sed dubius unde rumperet silentium 85
éclata en imprécations dignes de
misit Thyesteas preces
Thyeste les poisons n’ont pas de pouvoir sur le
bien et le mal ils ne changeront
uenena magnum fas nefasque non ualent
pas la puissante loi ni le juste retour du sort
pour les hommes mes malédictions
conuertere humanam uicem.
vous poursuivront une malédiction solennelle ne
diris agam uos. dira detestatio
peut s’expier par aucune victime
nulla expiatur uictima. 90
mais par vous mis à mort lorsque j’aurai expiré
quin ubi perire iussus expirauero
la nuit je viendrai à vous furie
nocturnus occurram furor
ombre les ongles crochus j’attaquerai au visage
petamque uoltus umbra curuis unguibus
c’est le pouvoir des dieux mânes
quæ uis deorum est manium
et assis sur vos cœurs angoissés j’en ôterai le
et inquietis assidens præcordiis 95
sommeil par l’épouvante dans les
pauore somnos auferam.
rues d’ici et de là la foule à coups de pierres
uos turba uicatim hinc et hinc saxis petens
vous assommera immondes vieilles
contundet obscenas anus
puis loups et oiseaux de l’Esquilin dissiperont
post insepulta membra different lupi
vos membres sans sépulture et ce
et Esquilinæ alites 100
spectacle-là mes parents hélas survivants après
neque hoc parentes heu mihi superstites
moi ne manqueront pas de le voir
effugerit spectaculum.
Ce n’est pas la première tentative en "vers justifiés", mais la deuxième (voir Horace, Épode 4 (Esclave) et isocèle) fois que je ne mets aucune ponctuation ET ne m’autorise aucune coupure de mots. L’exercice en devient singulièrement éprouvant et j’ai déjoué comme j’ai pu les pièges de la traduction. Je n’ai pas réussi partout à rendre un vers par un vers. Je ne recommencerai plus avec une pièce aussi longue (dit-elle). Horace, lui, use du distique désormais familier : sénaire et quaternaire ïambiques.
[1] Les enfants de naissance libre - c’est donc le cas ici - portaient une toge (dite "prétexte") ornée d’une large bande de pourpre, analogue à celle des magistrats, qui manifestait leur inviolabilité. L’insigne est la "bulle", une sorte de médaillon d’or ou de cuir qu’ils ont en pendentif autour du cou. La toge prétexte et la bulle étaient quittées après 16 ans, quand l’enfant entrait dans l’âge viril.