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Horace, Odes I 2 | Assez de terreur

lundi 16 avril 2012, par Danielle Carlès

C’est assez à présent pour notre Père, assez
de neige et de grêle funeste envoyée sur la terre,
et de sa main rougeoyante frappant les hauteurs sacrées,
c’est assez de terreur pour Rome,
 
terreur pour les peuples que ne revienne la gravité du temps
des lamentations de Pyrrha devant l’horreur de prodiges inconnus,
quand Protée emmena toutes les bêtes de la mer
voir les sommets des hautes montagnes,
 
que l’espèce des poissons s’enchevêtra aux cîmes des ormes
à la place ordinaire des colombes
et les daims apeurés se mirent à nager, car
les eaux avaient tout recouvert.
 
Nous avons vu le Tibre jaune se rejeter
depuis sa berge étrusque en une vague si violente
qu’elle est allée renverser le monument des siècles royaux
et le temple de Vesta.
 
Quand il répond aux plaintes d’Ilia, affichant hautement
qu’il veut la venger, il ne fait cependant qu’errer et s’étaler
sur sa rive gauche, quand lui manque l’appui de Jupiter,
ce n’est qu’un fleuve capricieux.
 
Elle saura que le citoyen contre le citoyen a aiguisé
le fer qui devait mieux servir à supprimer la menace des Perses,
elle saura nos conflits, cette génération, moins nombreuse
par la faute de ses parents.
 
Quel dieu le peuple invoquera-t-il au secours de l’empire
quand tout s’écroule ? de quelle prière les vierges sacrées
fatigueront-elles Vesta qui reste sourde
à leurs incantations ?
 
À qui Jupiter confiera-t-il le rôle d’expier le crime ?
Viens enfin, nous te prions,
un manteau de nuage sur tes épaules éblouissantes,
interprète de l’avenir, Apollon !
 
Ou toi, si tu le veux, riante Vénus de l’Éryx,
le Jeu et le Désir volant autour de toi.
À moins que tu ne baisses les yeux vers ta descendance oubliée,
vers tes enfants lointains, toi qui fus notre auteur,
 
rassasié, hélas, de ces jeux qui s’éternisent,
toi qui aimes la clameur, les casques polis,
et la flamme dans le regard du Maure affrontant pied à terre
un ennemi couvert de sang.
 
À moins que tu n’aies troqué ton apparence ailée
contre celle d’un homme pour venir sur la terre,
fils de la bienfaisante Maïa, acceptant d’être appelé
le vengeur de César.
 
Puisses-tu retarder ton retour vers le ciel et longtemps
prospérer parmi le peuple de Quirinus !
Puisses-tu, incapable de t’adapter à nos vices, ne pas disparaître
trop vite sur un souffle
 
d’air, mais plutôt, aimer les grands triomphes de ce monde,
en ce monde aimer t’entendre appeler père et prince,
et ne pas permettre que reste impunie la chevauchée des Mèdes,
sous ton commandement, César.

Lecture avec le texte latin

C’est assez à présent pour notre Père, assez
de neige et de grêle funeste envoyée sur la terre,
et de sa main rougeoyante frappant les hauteurs sacrées,
c’est assez de terreur pour Rome,

Iam satis terris niuis atque diræ
grandinis misit Pater et rubente
dextera sacras iaculatus arces
terruit Vrbem,

terreur pour les peuples que ne revienne la gravité du temps
des lamentations de Pyrrha devant l’horreur de prodiges inconnus,
quand Protée emmena toutes les bêtes de la mer
voir les sommets des hautes montagnes,

terruit gentis, graue ne rediret 5
sæculum Pyrrhæ noua monstra questæ,
omne cum Proteus pecus egit altos
uisere montis,

que l’espèce des poissons s’enchevêtra aux cîmes des ormes
à la place ordinaire des colombes
et les daims apeurés se mirent à nager, car
les eaux avaient tout recouvert.

piscium et summa genus hæsit ulmo
nota quæ sedes fuerat columbis 10
et superiecto pauidæ natarunt
æquore dammæ.

Nous avons vu le Tibre jaune se rejeter
depuis sa berge étrusque en une vague si violente
qu’elle est allée renverser le monument des siècles royaux [1]
et le temple de Vesta.

Vidimus flauom Tiberim retortis
litore Etrusco uiolenter undis
ire deiectum monumenta regis 15
templaque Vestæ,

Quand il répond aux plaintes d’Ilia, affichant hautement
qu’il veut la venger, il ne fait cependant qu’errer et s’étaler
sur sa rive gauche, quand lui manque l’appui de Jupiter,
ce n’est qu’un fleuve capricieux.

Iliæ dum se nimium querenti
iactat ultorem, uagus et sinistra
labitur ripa Ioue non probante
(u)xorius amnis 20

Elle saura que le citoyen contre le citoyen a aiguisé
le fer qui devait mieux servir à supprimer la menace des Perses,
elle saura nos conflits, cette génération, moins nombreuse
par la faute de ses parents.

Audiet ciuis acuisse ferrum
quo graues Persæ melius perirent,
audiet pugnas uitio parentum
rara iuuentus

Quel dieu le peuple invoquera-t-il au secours de l’empire
quand tout s’écroule ? de quelle prière les vierges sacrées
fatigueront-elles Vesta qui reste sourde
à leurs incantations ?

Quem uocet diuum populus ruentis 25
imperi rebus ? Prece qua fatigent
uirgines sanctæ minus audientem
carmina Vestam ?

À qui Jupiter confiera-t-il le rôle d’expier le crime ?
Viens enfin, nous te prions,
un manteau de nuage sur tes épaules éblouissantes,
interprète de l’avenir, Apollon !

Cui dabit partis scelus expiandi
Iuppiter ? Tandem uenias precamur, 30
nube candentis umeros amictus,
augur Apollo !

ou toi, si tu le veux, riante Vénus de l’Éryx,
le Jeu et le Désir volant autour de toi,
À moins que tu ne baisses les yeux vers ta descendance oubliée,
vers tes enfants lointains, toi qui fut notre auteur [2],

siue tu mauis, Erycina ridens,
quam Iocus circumuolat et Cupido,
siue neglectum genus et nepotes 35
respicis, autor,

rassasié, hélas, de ces jeux qui s’éternisent,
toi qui aimes la clameur, les casques polis,
et la flamme dans le regard du Maure affrontant pied à terre
un ennemi couvert de sang.

heu nimis longo satiate ludo,
quem iuuat clamor galeæque leues,
acer et Mauri peditis cruentum
uoltus in hostem, 40

À moins que tu n’aies troqué ton apparence ailée
contre celle d’un homme pour venir sur la terre,
fils de la bienfaisante Maïa, acceptant d’être appelé
le vengeur de César [3].

siue mutata iuuenem figura
ales in terris imitaris, almæ
filius Maiæ, patiens uocari
Cæsaris ultor.

Puisses-tu retarder ton retour vers le ciel et longtemps
prospérer parmi le peuple de Quirinus !
Puisses-tu, incapable de t’adapter à nos vices, ne pas disparaître
trop vite sur un souffle

Serus in cælum redeas diuque 45
lætus intersis populo Quirini !
Neue te nostris uitiis iniquum
ocior aura

d’air, mais plutôt, aimer les grands triomphes de ce monde,
en ce monde aimer t’entendre appeler père et prince,
et ne pas permettre que reste impunie la chevauchée des Mèdes,
sous ton commandement, César [4].

tollat, hic magnos potius triumphos,
hic ames dici pater atque princeps, 50
neu sinas Medos equitare inultos,
te duce, Cæsar.


On a ici des strophes sapphiques, composées de :

trois vers sapphiques

— ‿ — — — ‖ ‿ ‿ — ‿ — ‿

et d’un adonique

— ‿ ‿ — ‿

Au vers 20 il faut admettre l’élision de la première syllabe de uxorius, en liaison avec la dernière du vers précédent.


[1Il s’agit de la Regia, édifice traditionnellement rattaché au règne de Numa Pompilius, le second roi de Rome après Romulus, qui servit ensuite de résidence royale officielle.

[2On aura reconnu le dieu Mars, dieu de la guerre, père de Rémus et Romulus.

[3Jules César

[4Auguste

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