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Virgile, Énéide VI, 440-476 | Didon aux Champs des Pleurs

dimanche 9 octobre 2022, par Danielle Carlès

Non loin de là se montrent, étendus en tous sens,440

les Champs des Pleurs, tel est le nom qu’on leur donne.

Ici, ceux qu’un tragique amour a fait cruellement dépérir jusqu’à les consumer

sur de secrets sentiers se tiennent cachés et tout autour le myrte

d’une forêt les couvre. L’objet de leurs pensées, dans la mort même, ne les quitte pas.

C’est en ces lieux qu’il aperçoit Phèdre, Procris et la pauvre Ériphyle445

qui de son fils cruel arbore la blessure,

Évadné et Pasiphaé. Laodamie

les accompagne et, homme un jour, maintenant une femme, Cénée,

à nouveau, le destin l’ayant ramenée à sa première figure.

Parmi elle la Phénicienne, encore sous le coup de sa blessure, Didon450

errait dans la grande forêt. Le héros troyen,

dès qu’il se trouva auprès d’elle et la reconnut dans les ombres,

obscure telle la lune au début du mois

que l’on voit – ou croit-on l’avoir vue ? – émerger des nuages,

laissa couler ses larmes et lui parla avec un doux amour :455

« Malheureuse Didon, ainsi c’était vrai, l’annonce venue jusqu’à moi

que tu t’étais éteinte, que tu avais cherché par le fer à mettre fin à tes jours.

De ta mort, eheu ! ai-je été la cause ? Par les étoiles je le jure,

par Ceux d’en haut, et si la bonne foi a cours sous le fond de la terre,

c’est malgré moi, reine, que je suis parti, abandonnant ton rivage.460

Mais les ordres des dieux, qui à présent me contraignent d’aller parmi ces ombres,

de traverser ces lieux rongés de moisissure dans une nuit profonde,

leurs commandements supérieurs, m’y ont poussé. Et je n’ai pas été capable de croire

que mon départ te causerait une si terrible douleur.

Arrête-toi, ne t’éloigne pas de ma vue !465

Qui veux-tu fuir ? C’est la dernière fois que le destin permet que je te parle. »

Ainsi Énée s’adressait à elle, brûlante de colère et le regard farouche,

avec des mots pour la calmer et l’amener aux larmes.

Elle, se détournant, gardait les yeux fixés au sol.

Depuis qu’il lui parle, son visage ne réagit pas plus470

qu’une pierre de dur silex ou un marbre de Marpessa.

Mais enfin elle se sauva et hostile se réfugia

dans le bois ombreux où son premier époux,

Sychée, répond à ses pensées et lui rend un égal amour.

Énée, profondément heurté par cette rencontre malheureuse, ne laisse pas475

de la suivre de loin en larmes, plein de pitié pour celle qui s’en va.

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