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Virgile, Énéide V, 159-182 | Cap sur le danger

jeudi 11 août 2022, par Danielle Carlès

Je reprends la traduction là où je l’avais laissée, il y a déjà des années. Mais entretemps j’ai achevé et publié l’oeuvre complète d’Horace, ce dont je suis très fière, et j’ai beaucoup vécu, mais je n’en parlerai pas ici. Mon approche du texte a changé. J’espère toutefois maintenir la même tension. Ce sont encore d’autres années qui m’attendent avant la fin de l’ouvrage. Je ne cesse pas d’expérimenter avec la conviction que la traduction appelle la traduction dans un infini mouvement de re-création qui est la vie même du texte.

Donc reprenons la joute navale qui inaugure les jeux donnés par Énée en l’honneur de son père Anchise pour l’anniversaire de sa mort. Quatre vaisseaux s’affrontent : Mnesthée mène la Pristis, Gyas la Chimère, Sergeste le Centaure et Cloanthe la Scylla.

Et déjà ils approchaient du rocher et touchaient à la borne

quand Gyas, qui a pris la tête et se trouve vainqueur à mi-course,160

apostrophe le pilote du navire, Ménétès :

"Qu’est-ce que tu me fais ? Où tu t’en vas à droite comme ça ! Redresse la barre !

Viens serrer la côte, laisse les pales à gauche raser les écueils !

Le large, que les autres s’y tiennent !" dit-il. Mais Ménétès

craint des rochers invisibles et écarte la proue en direction de la pleine mer.165

"Où tu vas ? Tu t’éloignes ! dit-il à nouveau. Viens sur le rocher, Ménétès !"

À grands cris Gyas le rappelait, mais voici qu’il aperçoit Cloanthe

juste là, dans son dos, qui se rapproche de plus en plus.

Passant entre le navire de Gyas et les rocs qui résonnent,

il se faufile en prenant à l’intérieur par la gauche et brusquement dépasse170

le premier, laisse la borne derrière lui et se retrouve en eaux sûres.

Alors un violent dépit enflamma le jeune homme jusqu’aux os

et sur ses joues il ne put retenir des larmes. Saisissant le lâche Ménétès,

au mépris de sa dignité et du salut de l’équipage,

il le jette tête la première dans la mer du haut de la poupe,175

lui-même prend au gouvernail la place du pilote, celle du maître d’équipage,

il exhorte les hommes et tourne la barre en direction du rivage.

De son côté avec lourdeur du fond de l’eau remonte enfin non sans peine,

car il n’est plus tout jeune, dégoulinant dans ses vêtements trempés, Ménétès,

qui gagne le sommet du rocher et s’assied au bord de la paroi au sec.180

De le voir tomber à l’eau, puis nager, les Teucères ont bien ri,

et ils rient encore de le voir recracher de sa poitrine des flots d’eau salée.

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