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Horace, Odes III 3 | L’apothéose de Romulus

jeudi 30 mai 2013, par Danielle Carlès

Contre mon habitude, une introduction me semble cette fois-ci utile car l’ode est particulièrement complexe et mobilise de nombreuses références. Il y est question d’apothéose, soit le fait pour un mortel de devenir dieu après sa mort, généralement en récompense d’une vie de sagesse (v. 1-8), ainsi de Pollux, d’Hercule, de Bacchus. Auguste y est destiné (v. 11-12). Le poème consiste essentiellement dans un discours de Junon (v. 18-68) donnant son accord à l’apothéose de Romulus (v. 33-36), qui deviendra dieu sous le nom de Quirinus, et prophétisant la grandeur de Rome à la condition qu’elle ne fasse pas renaître celle de Troie (v. 37-68). La strophe conclusive (v. 69-72) réclame des commentaires - ils viendront, mais pas d’explication.
Vous reconnaîtrez dans "la citadelle de feu" le ciel igné supérieur dit "Empyrée".
Le "juge funeste et impur" ainsi que "l’hôte discrédité" est Pâris.
La "femme venue d’ailleurs" et la "Laconienne adultère" est Hélène.
Et rappelons que Romulus est fils de Mars et d’Ilia / Rhéa Silvia la "prêtresse troyenne". Celle-ci est troyenne en tant que lointaine descendante d’Énée, prêtresse de Vesta ("vestale"). Mars est le fils de Junon. Ainsi Romulus est "le petit-fils haï" de Junon.



l’homme juste et déterminé en sa résolution
ni l’ardeur des citoyens ordonnant un crime
ni l’air de menace du tyran n’
ébranle son âme infaillible ni l’Auster

maître furieux de l’intranquille Adriatique
ni la main sublime de Jupiter foudroyant et
si le monde anéanti s’effondre
la débâcle frappera un homme impassible

de cette manière Pollux et Hercule l’errant
se sont hissés jusqu’en la citadelle de feu
et Auguste étendu à côté d’eux
y boira le nectar de sa bouche pourprée

et par là tu as mérité Bacchus Père que tes
tigres t’y emmènent traînant le joug à leur
cou révolté et par là Quirinus
sur les chevaux de Mars a fui l’Achéron

Junon ayant tenu ce discours bien accueilli
par les dieux réunis en conseil Ilion Ilion
le juge funeste et impur et la
femme venue d’ailleurs l’ont réduite en

poussière depuis le jour où Laomédon trompa
les dieux sur le prix conclu condamnée elle
était à moi et la pure Minerve
avec tout le peuple et son chef déloyal

l’hôte discrédité de la Laconienne adultère
a fini de l’éblouir et la maison parjure de
Priam pour briser les attaques
des Achéens a perdu le soutien d’Hector

prolongée du fait de nos divorces la guerre
s’est arrêtée par la suite ma sévère colère
et ma haine pour ce petit-fils
qu’a mis au monde la prêtresse troyenne

j’en fais cadeau à Mars oui Romulus entrera
aux lumineux palais il apprendra le goût du
nectar et il sera compté parmi
les rangs sereins des dieux j’y consens

pourvu qu’une longue étendue de mer rageuse
sépare Rome d’Ilion partout où ils voudront
que les exilés règnent heureux
pourvu que les tombes de Priam et Pâris

le bétail y piétine et les fauves y cachent
impunément leurs petits que resplendisse le
Capitole triomphante des Mèdes
qu’avec fierté Rome leur donne des lois

que redoutable au loin elle déploie son nom
aux bords extrêmes là où les eaux du milieu
séparent l’Europe de l’Afrique
là où s’enfle le Nil irriguant la terre

l’or inconnu et ainsi là où il est le mieux
celé sous terre de force à le mépriser plus
qu’à l’amasser en pillant tout
le sacré pour le faire servir à l’homme

partout où un terme a été mis pour le monde
elle ira le toucher avec ses armes curieuse
de voir en quel pays le feu s’
exacerbe en lequel brouillard et frimas

mais ce destin des vaillants Quirites est à
une condition je dis que trop pieux et trop
confiants ils ne veuillent pas
relever le palais de l’ancestrale Troie

Troie renaissant sous de sinistres auspices
son sort se répétera et la tragique défaite
menant les armées victorieuses
j’y serai moi épouse et sœur de Jupiter

si par trois fois Phébus relevait le mur de
bronze trois fois il tomberait rasé par mes
Argiens et trois fois l’épouse
captive pleurerait son mari ses enfants

cela ne va pas s’accorder avec une lyre qui
aime à rire où vas-tu Muse entêtée cesse de
faire parler les dieux arrête
de réduire le sublime à tes petits vers

Lecture avec le texte latin

l’homme juste et déterminé en sa résolution
ni l’ardeur des citoyens ordonnant un crime
ni l’air de menace du tyran n’
ébranle son âme infaillible ni l’Auster

[3,03,1] Iustum et tenacem propositi uirum
non ciuium ardor praua iubentium,
non uoltus instantis tyranni
mente quatit solida neque Auster,

maître furieux de l’intranquille Adriatique
ni la main sublime de Jupiter foudroyant et
si le monde anéanti s’effondre
la débâcle frappera un homme impassible

[3,03,5] dux inquieti turbidus Hadriae,
nec fulminantis magna manus Iouis :
si fractus inlabatur orbis,
inpauidum ferient ruinae.

de cette manière Pollux et Hercule l’errant
se sont hissés jusqu’en la citadelle de feu
et Auguste étendu à côté d’eux
y boira le nectar de sa bouche pourprée

Hac arte Pollux et uagus Hercules
[3,03,10] enisus arces attigit igneas,
quos inter Augustus recumbens
purpureo bibet ore nectar ;

et par là tu as mérité Bacchus Père que tes
tigres t’y emmènent traînant le joug à leur
cou révolté et par là Quirinus
sur les chevaux de Mars a fui l’Achéron

hac te merentem, Bacche pater, tuae
uexere tigres indocili iugum
[3,03,15] collo trahentes ; hac Quirinus
Martis equis Acheronta fugit,

Junon ayant tenu ce discours bien accueilli
par les dieux réunis en conseil Ilion Ilion
le juge funeste et impur et la
femme venue d’ailleurs l’ont réduite en

gratum elocuta consiliantibus
Iunone diuis : ’Ilion, Ilion
fatalis incestusque iudex
[3,03,20] et mulier peregrina uertit

poussière depuis le jour où Laomédon trompa
les dieux sur le prix conclu condamnée elle
était à moi et la pure Minerve
avec tout le peuple et son chef déloyal

in puluerem, ex quo destituit deos
mercede pacta Laomedon, mihi
castaeque damnatum Mineruae
cum populo et duce fraudulento.

l’hôte discrédité de la Laconienne adultère
a fini de l’éblouir et la maison parjure de
Priam pour briser les attaques
des Achéens a perdu le soutien d’Hector

[3,03,25] Iam nec Lacaenae splendet adulterae
famosus hospes nec Priami domus
periura pugnaces Achiuos
Hectoreis opibus refringit

prolongée du fait de nos divorces la guerre
s’est arrêtée par la suite ma sévère colère
et ma haine pour ce petit-fils
qu’a mis au monde la prêtresse troyenne

nostrisque ductum seditionibus
[3,03,30] bellum resedit. Protinus et grauis
irae et inuisum nepotem,
Troica quem peperit sacerdos,

j’en fais cadeau à Mars oui Romulus entrera
aux lumineux palais il apprendra le goût du
nectar et il sera compté parmi
les rangs sereins des dieux j’y consens

Marti redonabo ; illum ego lucidas
inire sedes, discere nectaris
[3,03,35] sucos et adscribi quietis
ordinibus patiar deorum.

pourvu qu’une longue étendue de mer rageuse
sépare Rome d’Ilion partout où ils voudront
que les exilés règnent heureux
pourvu que les tombes de Priam et Paris

Dum longus inter saeuiat Ilion
Romamque pontus, qualibet exules
in parte regnato beati ;
[3,03,40] dum Priami Paridisque busto

le bétail y piétine et les fauves y cachent
impunément leurs petits que resplendisse le
Capitole triomphante des Mèdes
qu’avec fierté Rome leur donne des lois

insultet armentum et catulos ferae
celent inultae, stet Capitolium
fulgens triumphatisque possit
Roma ferox dare iura Medis.

que redoutable au loin elle déploie son nom
aux bords extrêmes là où les eaux du milieu
séparent l’Europe de l’Afrique
là où s’enfle le Nil irriguant la terre

[3,03,45] Horrenda late nomen in ultimas
extendat oras, qua medius liquor
secernit Europen ab Afro,
qua tumidus rigat arua Nilus ;

l’or inconnu et ainsi là où il est le mieux
celé sous terre de force à le mépriser plus
qu’à l’amasser en pillant tout
le sacré pour le faire servir à l’homme

aurum inrepertum et sic melius situm,
[3,03,50] cum terra celat, spernere fortior
quam cogere humanos in usus
omne sacrum rapiente dextra,

partout où un terme a été mis pour le monde
elle ira le toucher avec ses armes curieuse
de voir en quel pays le feu s’
exacerbe en lequel brouillard et frimas

quicumque mundo terminus obstitit,
hunc tanget armis, uisere gestiens,
[3,03,55] qua parte debacchentur ignes,
qua nebulae pluuiique rores.

mais ce destin des vaillants Quirites est à
une condition je dis que trop pieux et trop
confiants ils ne veuillent pas
relever le palais de l’ancestrale Troie

Sed bellicosis fata Quiritibus
hac lege dico, ne nimium pii
rebusque fidentes auitae
[3,03,60] tecta uelint reparare Troiae.

Troie renaissant sous de sinistres auspices
son sort se répétera et la tragique défaite
menant les armées victorieuses
j’y serai moi épouse et sœur de Jupiter

Troiae renascens alite lugubri
fortuna tristi clade iterabitur,
ducente uictrices cateruas
coniuge me Iouis et sorore.

si par trois fois Phébus relevait le mur de
bronze trois fois il tomberait rasé par mes
Argiens et trois fois l’épouse
captive pleurerait son mari ses enfants

[3,03,65] Ter si resurgat murus aeneus
auctore Phoebo, ter pereat meis
excisus Argiuis, ter uxor
capta uirum puerosque ploret.’

cela ne va pas s’accorder avec une lyre qui
aime à rire où vas-tu Muse entêtée cesse de
faire parler les dieux arrête
de réduire le sublime à tes petits vers

Non hoc iocosae conueniet lyrae ;
[3,03,70] quo, Musa, tendis ? Desine peruicax
referre sermones deorum et
magna modis tenuare paruis.


Strophes alcaïques transposées en vers justifiés 2 x 43 + 30 + 39.

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