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Virgile, Énéide II v. 298-317 | L’horreur des armes se rapproche

mercredi 17 avril 2013, par Danielle Carlès

Cependant d’un endroit à l’autre la ville est remuée de cris de deuils,

et cela va croissant. Bien que la maison de mon père Anchise

[300] soit en retrait, isolée et cachée sous les arbres,

le vacarme est de plus en plus net, l’horreur des armes se rapproche brutalement.

Je m’arrache au sommeil et je monte tout en haut sur la terrasse

qui domine les toits. Là je tends l’oreille,

et c’est comme le feu qui prend aux moissons dans le déchaînement furieux des Austers,

[305] comme la crue ravageuse d’une rivière venant de la montagne,

qui écrase les champs, écrase les rieuses prairies et le travail des bœufs,

entraîne les forêts jetées à bas, et le berger, ignorant ce qui se passe,

du haut de son rocher quand il entend le vacarme, se fige d’angoisse.

Mais à ce moment, la vérité a éclaté, et le piège des Danaens petit à petit

[310] se découvre. Déjà l’ample demeure de Déiphobe s’est écroulée,

Vulcain en est le vainqueur, déjà brûle la maison voisine

d’Oucalégon, à Sigée le détroit sur toute sa largeur est illuminé par le feu.

Monte la clameur des hommes et le claironnement des trompettes.

Hors de moi je saisis mes armes. Il n’y a guère de bonne raison prendre les armes,

[315] mais le désir de rassembler un bataillon de guerriers et de courir vers la citadelle

avec mes compagnons me brûle le cœur. La fureur et la colère anéantissent

ma réflexion, et l’idée qu’il est beau de mourir sous les armes vient à mon secours.


Lecture avec le texte latin

Cependant d’un endroit à l’autre la ville est remuée de cris de deuils,

Diuerso interea miscentur moenia luctu,

et cela va croissant. Bien que la maison de mon père Anchise

et magis atque magis, quamquam secreta parentis

[300] soit en retrait, isolée et cachée sous les arbres,

300 Anchisae domus arboribusque obtecta recessit,

le vacarme est de plus en plus net, l’horreur des armes [1] se rapproche brutalement.

clarescunt sonitus, armorumque ingruit horror.

Je m’arrache au sommeil et je monte tout en haut sur la terrasse

Excutior somno, et summi fastigia tecti

qui domine les toits. Là je tends l’oreille,

ascensu supero, atque arrectis auribus adsto :

et c’est comme le feu qui prend aux moissons dans le déchaînement furieux des Austers,

in segetem ueluti cum flamma furentibus austris

[305] comme la crue [2] ravageuse d’une rivière venant de la montagne,

305 incidit, aut rapidus montano flumine torrens

qui écrase les champs, écrase les rieuses prairies et le travail des bœufs,

sternit agros, sternit sata laeta boumque labores,

entraîne les forêts jetées à bas, et le berger, ignorant ce qui se passe,

praecipitisque trahit siluas, stupet inscius alto

du haut de son rocher quand il entend le vacarme, se fige d’angoisse.

accipiens sonitum saxi de uertice pastor.

Mais à ce moment, la vérité a éclaté, et le piège des Danaens petit à petit

Tum uero manifesta fides, Danaumque patescunt

[310] se découvre. Déjà l’ample demeure de Déiphobe s’est écroulée,

310 insidiae. Iam Deiphobi dedit ampla ruinam

Vulcain en est le vainqueur, déjà brûle la maison voisine

Volcano superante domus ; iam proxumus ardet

d’Ucalégon, à Sigée le détroit sur toute sa largeur est illuminé par le feu.

Ucalegon ; Sigea igni freta lata relucent.

Monte la clameur des hommes et le claironnement des trompettes.

Exoritur clamorque uirum clangorque tubarum.

Hors de moi je saisis mes armes. Il n’y a guère de bonne raison prendre les armes,

Arma amens capio ; nec sat rationis in armis,

[315] mais le désir de rassembler un bataillon de guerriers et de courir vers la citadelle

315 sed glomerare manum bello et concurrere in arcem

avec mes compagnons me brûle le cœur. La fureur et la colère anéantissent

cum sociis ardent animi ; furor iraque mentem

ma réflexion, et l’idée qu’il est beau de mourir sous les armes vient à mon secours.

praecipitant, pulchrumque mori succurrit in armis.


[1J’ai rendu telle quelle la fréquence du mot arma « armes » du texte latin.

[2Au v. 305 je traduis torrens (fr. « torrent ») par « crue ». Le verbe torrere a la particularité de signifier « brûler, dessécher » (fr. « torride ») et de fournir la désignation du « torrent ». Bizarre alliance du feu et de l’eau. Mais il est vrai qu’un torrent de montagne est remarquable par le fait d’être sec une partie du temps (combien de rivières portent le nom de « rivière sèche » ?) et violent au moment des crues.

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