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Horace, Odes II 13 | à l’arbre qui a failli me tuer

vendredi 8 mars 2013, par Danielle Carlès

Il t’a planté un jour néfaste, oui,
le premier, quel qu’il soit, et d’une main sacrilège
t’a fait pousser, arbre, pour la ruine
de sa postérité et la honte de son village.
 
Celui-là, je croirais bien qu’il avait brisé
le cou de son père et sur ses Pénates
répandu la nuit le sang
de son hôte. Celui-là, en poisons de Colchide
 
et en tout ce qu’on imagine quelque part d’interdit,
il fut expert, celui qui t’a installé dans mon champ,
ah, bois de malheur, destiné à tomber un jour
sur la tête de ton maître sans aucune raison !
 
Pour éviter tout danger jamais un homme n’est assez
sur ses gardes à chaque heure qui passe : un marin, un Punique
redoute le Bosphore et au-delà
ne craint pas le sort fatal dissimulé ailleurs,
 
un soldat, ce sont les flèches et la fuite au galop
du Parthe, et le Parthe, les chaînes et la résistance
italiennes, mais imprévisible est l’assaut
de la mort pour emporter hier comme demain les peuples.
 
Combien j’étais près du royaume de la sombre Proserpine !
J’ai bien failli le voir, et le jugement d’Éaque,
et les résidences assignées aux âmes pieuses et,
toute à ses complaintes sur les cordes éoliennes,
 
Sappho, s’attendrissant sur les jeunes filles de chez elle,
et toi, qui fais sonner plus amplement sous ton plectre d’or,
Alcée, les cruautés de la navigation,
les cruautés de l’exil, les cruautés de la guerre.
 
Devant ces deux-là, dans le silence religieux que méritent
leurs paroles, les ombres s’émerveillent, mais surtout
elles aiment les batailles et les tyrans expulsés
que la foule serrée épaule contre épaule boit de ses oreilles.
 
Là, faut-il s’étonner ? extasiée par les chants,
la bête aux cent têtes baisse ses oreilles noires
et, emmêlés aux chevelures
des Euménides, les serpents se rapaisent.
 
Plus encore, Prométhée et le père de Pélops
sont distraits de leur peine par la douceur du son,
et Orion en oublie de chasser
les lions ou les lynx craintifs.

Lecture avec le texte latin

Il t’a planté un jour néfaste, oui,

[2,13,1] Ille et nefasto te posuit die,

le premier, quel qu’il soit, et d’une main sacrilège

quicumque primum, et sacrilega manu

t’a fait pousser, arbre, pour la ruine

produxit, arbos, in nepotum

de sa postérité et la honte de son village.

perniciem obprobriumque pagi ;

Celui-là, je croirais bien qu’il avait brisé

[2,13,5] illum et parentis crediderim sui

le cou de son père et sur ses Pénates

fregisse ceruicem et penetralia

répandu la nuit le sang

sparsisse nocturno cruore

de son hôte. Celui-là, en poisons de Colchide

hospitis, ille uenena Colcha

et en tout ce qu’on imagine quelque part d’interdit,

et quidquid usquam concipitur nefas

il fut expert, celui qui t’a installé dans mon champ,

[2,13,10] tractauit, agro qui statuit meo

ah, bois de malheur, destiné à tomber un jour

te, triste lignum, te, caducum

sur la tête de ton maître sans aucune raison !

in domini caput inmerentis.

Pour éviter tout danger jamais un homme n’est assez

Quid quisque uitet, nunquam homini satis

sur ses gardes à chaque heure qui passe : un marin, un Punique

cautum est in horas : nauita Bosphorum

redoute le Bosphore et au-delà

[2,13,15] Poenus perhorrescit neque ultra

ne craint pas le sort fatal dissimulé ailleurs,

caeca timet aliunde fata,

un soldat, ce sont les flèches et la fuite au galop

miles sagittas et celerem fugam

du Parthe, et le Parthe, les chaînes et la résistance

Parthi, catenas Parthus et Italum

italiennes, mais imprévisible est l’assaut

robur ; sed inprouisa leti

de la mort pour emporter hier comme demain les peuples.

[2,13,20] uis rapuit rapietque gentis.

Combien j’étais près du royaume de la sombre Proserpine !

Quam paene furuae regna Proserpinae

J’ai bien failli le voir, et le jugement d’Éaque,

et iudicantem uidimus Aeacum

et les résidences assignées aux âmes pieuses et,

sedesque discriptas piorum et

toute à ses complaintes sur les cordes éoliennes,

Aeoliis fidibus querentem

Sappho, s’attendrissant sur les jeunes filles de chez elle,

[2,13,25] Sappho puellis de popularibus

et toi, qui fais sonner plus amplement sous ton plectre d’or,

et te sonantem plenius aureo,

Alcée, les cruautés de la navigation,

Alcaee, plectro dura nauis,

les cruautés de l’exil, les cruautés de la guerre.

dura fugae mala, dura belli.

Devant ces deux-là, dans le silence religieux que méritent

Vtrumque sacro digna silentio

leurs paroles, les ombres s’émerveillent, mais surtout

[2,13,30] mirantur umbrae dicere, sed magis

elles aiment les batailles et les tyrans expulsés

pugnas et exactos tyrannos

que la foule serrée épaule contre épaule boit de ses oreilles.

densum umeris bibit aure uolgus.

Là, faut-il s’étonner ? extasiée par les chants,

Quid mirum, ubi illis carminibus stupens

la bête aux cent têtes baisse ses oreilles noires

demittit atras belua centiceps

et, emmêlés aux chevelures

[2,13,35] auris et intorti capillis

des Euménides, les serpents se rapaisent.

Eumenidum recreantur angues ?

Plus encore, Prométhée et le père de Pélops

Quin et Prometheus et Pelopis parens

sont distraits de leur peine par la douceur du son,

dulci laborum decipitur sono

et Orion en oublie de chasser

nec curat Orion leones

les lions ou les lynx craintifs.

[2,13,40] aut timidos agitare lyncas.


Composé en strophes alcaïques (et rappelons que « alcaïque » se rapporte au nom d’Alcée).

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