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Virgile, Énéide I v. 656-694 | La ruse de Vénus

lundi 25 février 2013, par Danielle Carlès

Pressé d’exécuter les ordres, Achate prenait le chemin vers les navires.

Mais Cythérée tourne et retourne en son cœur de nouveaux stratagèmes, de nouveaux

Desseins : elle veut que Cupidon, modifiant son aspect et son visage

Vienne à la place du doux Ascagne et, à la faveur des cadeaux, enflamme

[660] La reine d’une passion furieuse, jette le feu au creux de ses os.

C’est qu’elle redoute une maison peu sûre et des Tyriens au double langage,

La haine de Junon la met sur le gril et l’inquiétude revient en force à la nuit tombante.

Elle va donc parler en ces mots au dieu qui porte des ailes, à l’Amour :

« Mon fils, ma force, ma grande puissance à toi tout seul,

[665] Mon fils, qui méprise les traits typhéens du Père suprême,

Tu es mon dernier recours et, suppliante, je réclame ton intervention.

Ton frère Énée sur la mer est rejeté partout de rivage

En rivage, en proie à la haine de la malveillante Junon,

Cela tu le sais bien et souvent tu as souffert de ma souffrance.

[670] Or le voici chez Didon la Phénicienne qui le retient avec de caressantes

Paroles, et j’appréhende le tour que prendra l’hospitalité

D’une protégée de Junon, elle ne manquera pas d’agir avec un si puissant levier.

C’est pourquoi je pense m’emparer avant elle de la reine, par ruse, et l’enfermer

Dans un cercle de flamme, afin qu’aucune force divine ne puisse la faire changer,

[675] Mais qu’elle soit de mon côté, tenue par un grand amour pour Énée.

Par quel moyen tu peux réaliser cela, écoute maintenant mon idée :

Le jeune prince, à la demande de son père chéri, s’apprête à rejoindre

La ville Sidonienne, cet enfant, objet de tous mes soins,

Et il apporte des présents, sauvés de la mer et des flammes de Troie.

[680] Lui, engourdi de sommeil, sur les hauteurs de Cythère

Ou celles d’Idalion, en un lieu consacré j’irai le cacher,

Pour qu’il ne puisse en aucune manière connaître la ruse et s’y trouver mêlé.

Toi, prenant son aspect pour une seule nuit, pas plus,

Avec ruse donne le change, et revêt, enfant, le visage que l’on connaît à cet enfant.

[685] Ainsi, quand Didon toute heureuse t’accueillera contre elle

Au milieu des tables royales et des libations à Lyæus,

Quand elle te prendra dans ses bras et te fera de tendres baisers,

Tu lui insuffleras le feu en secret, tu l’abuseras avec ton poison. »

L’Amour se plie à la demande de sa mère chérie : il dépose

[690] Ses ailes et et s’amuse à marcher du pas de Iule.

Vénus de son côté fait couler pour Ascagne dans ses membres un paisible repos

Et la déesse l’emporte, blotti contre son sein, sur les hauteurs

D’Idalion dans un bois sacré où une souple marjolaine

Embaumant referme sur lui ses fleurs et son ombre douce.


Lecture avec le texte latin

Pressé d’exécuter les ordres, Achate prenait le chemin vers les navires.

Haec celerans iter ad naues tendebat Achates.

Mais Cythérée tourne et retourne en son cœur de nouveaux stratagèmes, de nouveaux

At Cytherea nouas artes, noua pectore uersat

Desseins : elle veut que Cupidon, modifiant son aspect et son visage

Consilia, ut faciem mutatus et ora Cupido

Vienne à la place du doux Ascagne et, à la faveur des cadeaux, enflamme

pro dulci Ascanio ueniat, donisque furentem

[660] La reine d’une passion furieuse, jette le feu au creux de ses os.

660 incendat reginam, atque ossibus implicet ignem ;

C’est qu’elle redoute une maison peu sûre et des Tyriens au double langage,

quippe domum timet ambiguam Tyriosque bilinguis ;

La haine de Junon la met sur le gril et l’inquiétude revient en force à la nuit tombante.

urit atrox Iuno, et sub noctem cura recursat.

Elle va donc parler en ces mots au dieu qui porte des ailes, à l’Amour :

Ergo his aligerum dictis adfatur Amorem :

« Mon fils, ma force, ma grande puissance à toi tout seul,

’Nate, meae uires, mea magna potentia solus,

[665] Mon fils, qui méprise les traits typhéens du Père suprême,

665 nate, patris summi qui tela Typhoia temnis,

Tu es mon dernier recours et, suppliante, je réclame ton intervention.

ad te confugio et supplex tua numina posco.

Ton frère Énée sur la mer est rejeté partout de rivage

Frater ut Aeneas pelago tuus omnia circum

En rivage, en proie à la haine de la malveillante Junon,

litora iactetur odiis Iunonis iniquae,

Cela tu le sais bien et souvent tu as souffert de ma souffrance.

nota tibi, et nostro doluisti saepe dolore.

[670] Or le voici chez Didon la Phénicienne qui le retient avec de caressantes

670 Hunc Phoenissa tenet Dido blandisque moratur

Paroles, et j’appréhende le tour que prendra l’hospitalité

uocibus ; et uereor, quo se Iunonia uertant

D’une protégée de Junon, elle ne manquera pas d’agir avec un si puissant levier.

hospitia ; haud tanto cessabit cardine rerum.

C’est pourquoi je pense m’emparer avant elle de la reine, par ruse, et l’enfermer

Quocirca capere ante dolis et cingere flamma

Dans un cercle de flamme, afin qu’aucune force divine ne puisse la faire changer,

reginam meditor, ne quo se numine mutet,

[675] Mais qu’elle soit de mon côté, tenue par un grand amour pour Énée.

675 sed magno Aeneae mecum teneatur amore.

Par quel moyen tu peux réaliser cela, écoute maintenant mon idée :

Qua facere id possis, nostram nunc accipe mentem.

Le jeune prince, à la demande de son père chéri, s’apprête à rejoindre

Regius accitu cari genitoris ad urbem

La ville Sidonienne, cet enfant, objet de tous mes soins,

Sidoniam puer ire parat, mea maxima cura,

Et il apporte des présents, sauvés de la mer et des flammes de Troie.

dona ferens, pelago et flammis restantia Troiae :

[680] Lui, engourdi de sommeil, sur les hauteurs de Cythère

680 hunc ego sopitum somno super alta Cythera

Ou celles d’Idalion, en un lieu consacré j’irai le cacher,

aut super Idalium sacrata sede recondam,

Pour qu’il ne puisse en aucune manière connaître la ruse et s’y trouver mêlé.

ne qua scire dolos mediusue occurrere possit.

Toi, prenant son aspect, pour une seule nuit, pas plus,

Tu faciem illius noctem non amplius unam

Avec ruse donne le change, et revêt, enfant, le visage que l’on connaît à cet enfant.

falle dolo, et notos pueri puer indue uoltus,

[685] Ainsi, quand Didon toute heureuse t’accueillera contre elle

685 ut, cum te gremio accipiet laetissima Dido

Au milieu des tables royales et des libations à Lyaeus,

regalis inter mensas laticemque Lyaeum,

Quand elle te prendra dans ses bras et te fera de tendres baisers,

cum dabit amplexus atque oscula dulcia figet,

Tu lui insuffleras le feu en secret, tu l’abuseras avec ton poison. »

occultum inspires ignem fallasque ueneno.’

L’Amour se plie à la demande de sa mère chérie : il dépose

Paret Amor dictis carae genetricis, et alas

[690] Ses ailes et et s’amuse à marcher du pas de Iule.

690 exuit, et gressu gaudens incedit Iuli.

Vénus de son côté fait couler pour Ascagne dans ses membres un paisible repos

At Venus Ascanio placidam per membra quietem

Et la déesse l’emporte, blotti contre son sein, sur les hauteurs

inrigat, et fotum gremio dea tollit in altos

D’Idalion dans un bois sacré où une souple marjolaine

Idaliae lucos, ubi mollis amaracus illum

Embaumant referme sur lui ses fleurs et son ombre douce.

floribus et dulci adspirans complectitur umbra.

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