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Horace, Épodes 14 | Paresse

samedi 13 octobre 2012, par Danielle Carlès

Pourquoi la paresse indolente a diffusé au plus profond
de mes sens un pareil oubli,
comme si, le gosier sec, j’avais aspiré des coupes
versant le sommeil du Léthé,
5 radieux Mécène, tu me tues à le demander sans arrêt.
Un dieu, oui, un dieu m’interdit
d’amener les ïambes commencés, ce poème un jour promis,
jusqu’au volume achevé.
C’était, dit-on, la même chose, quand pour Bathylle de Samos
10 s’enflamma Anacréon de Téos,
qui bien souvent sur la lyre creuse pleura son amour
sans s’appliquer au travail du vers.
Toi-même tu brûles, pauvre ami, mais le feu qui embrasa Ilion assiégée
n’était pas plus beau, ainsi
15 réjouis-toi de ton sort. Moi, c’est une affranchie, et d’un seul amant
insatisfaite, c’est Phryné qui me consume.

Lecture avec le texte latin

Pourquoi la paresse indolente a diffusé au plus profond

Mollis inertia cur tantam diffuderit imis

de mes sens un pareil oubli,

obliuionem sensibus,

comme si, le gosier sec, j’avais aspiré des coupes

pocula Lethaeos ut si ducentia somnos

versant le sommeil du Léthé,

arente fauce traxerim,

5 radieux Mécène, tu me tues à le demander sans arrêt.

5 candide Maecenas, occidis saepe rogando :

Un dieu, oui, un dieu m’interdit

deus, deus nam me uetat

d’amener les ïambes commencés, ce poème un jour promis,

inceptos, olim promissum carmen, iambos

jusqu’au volume achevé.

ad umbilicum adducere [1].

C’était, dit-on, la même chose, quand pour Bathylle de Samos

non aliter Samio dicunt arsisse Bathyllo

10 s’enflamma Anacréon de Téos,

10 Anacreonta Teium,

qui bien souvent sur la lyre creuse pleura son amour

qui persaepe caua testudine fleuit amorem

sans s’appliquer au travail du vers.

non elaboratum ad pedem.

Toi-même tu brûles, pauvre ami, mais le feu qui embrasa Ilion assiégée

ureris ipse miser : quodsi non pulcrior ignis

n’était pas plus beau, ainsi

accendit obsessam Ilion [2],

15 réjouis-toi de ton sort. Moi, c’est une affranchie, et d’un seul amant

15 gaude sorte tua ; me libertina, nec uno

insatisfaite, c’est Phryné qui me consume.

contenta, Phryne macerat.


Distiques : un hexamètre dactylique suivi d’un quaternaire ïambique.


[1Le texte latin dit ad umbilicum adducere, littéralement "amener à l’ombilic". L’ombilic désigne ici le bouton placé à l’extrémité du cylindre sur lequel on enroule le manuscrit achevé. Le choix du mot "volume" fait référence à l’étymologie du mot : volumen de volvo "enrouler", d’où le rouleau, d’où le manuscrit. Le terme est resté le même pour désigner un "livre", même si entre temps on est passé à la présentation en codex (un assemblage de feuilles), puis récemment au livre numérique.

[2Le passage évoque Hélène de Troie. La maîtresse de Mécène portait peut-être le même prénom.

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